9 octobre 2014

le Centre Francophonie a vu et aimé deux spectacles francophones à Avignon (juillet 2014)

           Cahier d'un retour au pays natal d'Aimé Césaire.

    Une performance exceptionnelle de l'acteur béninois Joël Lokossou, pendant 1h20, au Centre Européen de poésie d'Avignon.
        Le cahier d'un retour au pays natal, écrit par le co-créateur de la négritude avec Senghor et Damas, est un texte fondamental. Il revendique l'égale dignité de tous les hommes et de toutes cultures et surtout il s'élève contre toute aliénation. 
Joël Lokossou
     
   André Breton, sur la route de l'exil aux USA, avait découvert par hasard, dans une librairie de Fort-de-France, ce texte qui l'avait ébloui.
Belle mise en scène de Renaud Lescuyer de la Compagnie Persona.
     Un grand moment de théâtre et de poésie.
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                    Le poète comme boxeur

Azeddine Nenamara et Larbi Bestam
Le 2ème spectacle est tout aussi époustouflant.
 Il s'agit d'un montage autour du livre de Kateb Yacine, un des grands auteurs algériens contemporains, "le poète comme boxeur".
 Un beau moment de théâtre magnifiquement joué par l'acteur Azeddine Nenamara, secondé par le talentueux musicien chanteur Larbi Bestam.
 Et que dire de la superbe mise en scène de Kheireddine Lardjam.. On sort de ce moment, à la Manufacture d'Avignon, ému et révolté. 
Kheireddine LARDJAM, metteur en scène
      Un autre grand moment de théâtre francophone. Mais Kheireddine nous a habitués à de beaux montages comme Bleu blanc vert  de Maïssa Bey,- une autre grande écrivain algérienne-, joué à Valence, ou en 2013 toujours à Avignon, la pièce End/dignés. Un spectacle d'une forte intensité.
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La route des clameurs


Titre : La route des clameurs
Auteur : Ousmane Diarra (Mali)
Editeur : Gallimard
Genre : roman

           Les djihadistes commandés par Mabu Maba dit Fiéffé Ranson Kattar Ibn Ahmad Almorbidonne  (plus le nom est long et ronflant et plus ça sent les siècles de la conquète musulmane) s’empare du pays.
           Mabu Maba est en fait un enfant du pays, le plus nul des élèves de sa classe selon l’un de ses camarades. A la tête de djihadistes drogués et formatés à l’Islam du VIIème siècle, il devient le calife incontesté et incontestable du pays.
            Le récit est transmis par un enfant qui voit successivement sa famille (sa mère, ses sœurs et son grand frère) attirés vers la mosquée où sévit un jeune iman borné « à la barbichette de bouc nain ». La menace récurrente du châtiment divin et surtout l’argent qui coule à flot font plier les gens en commençant par sa famille, sauf son père, un artiste libre et fier.
            Tout  va s’acharner pour faire plier ce père, alors que d’autres auraient été massacrés au su de tout le monde. Autodafé de ses œuvres (sculptures et peintures), internement doré au sein du palais du calife car le frère, Zabani Zabata, commandant almorbidone très craint,  n’est autre que le bras droit du calife.
            Ce jeune enfant ne pourra pas longtemps resté solidaire de ce père récalcitrant et un mauvais exemple pour le régime. Il sera formé. On lui apprendra le maniement des armes, il ingurgitera le coran sans en comprendre le sens puisque écrite dans une autre langue. Il fera ses preuves sur le terrain et quelles preuves ! Et par protection ou peur de son frère, on en fera un gradé almorbidone.
            Ce récit dur, impitoyable qui révèle la férocité et la bêtise d’un système oppressif est raconté à la façon d’un enfant ingénu, genre béotien, une sorte de candide moderne.
             Le style est familier, le regard est souvent naïf, comme pour mieux montrer la stupidité et la cruauté gratuite d’individus étroits et accrochés à des fables d’une autre époque.
             Bon roman surtout par le message qu’il véhicule.
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Biographie d’Ousmane Diarra
             Ousmane Diarra est né en 1960 à Bassala, un village de la brousse malienne.  Passionné de lectures, il entrera à l’Ecole normale supérieure de Bamako où il obtiendra une maîtrise de Lettres modernes.
Un temps professeur de français, il occupe en ce moment un poste de bibliothécaire au Centre Culturel Français de Bamako.
   Nouvelliste, poète et romancier, Ousmane Diarra est aussi auteur de livres pour la jeunesse et conteur.
    Il a participé à de nombreuses rencontres en France et à l’étranger (Suisse). Deux romans remarqués avant la route des clameurs, Vieux lézard (Prix Amadou Kourouma, Prix RFO, Prix Prince Pierre de Monaco) (2006)  et Pagnes de femme, (2008), tiré d’une vieille chanson bambara du 19ème siècle.
  Enfin, Ousmane Diarra a crée l’émission « Nous les enfants » à la télévision nationale.
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 Citations
             « Les gamins imans ne se contentaient pas de nous gaver de peurs et d’ignorance, comme ils étaient plus riches que la Banque Mondiale, ils achetaient tout le monde en distribuant beaucoup de fric…Ils amenaient « les gamins paumés » dans leurs mosquées pour les gaver de contes de fées venus d’ailleurs, d’outre-désert et d’outre-tombe. Parce qu’ils parlaient toujours de la mort et de l’après-mort, jamais de la vie, ni de la beauté des fleurs…» (p 57-58)

      « Et puis soudain, ils étaient là, les Morbidonnes, ils nous invitaient à sortir. Nous étions libérés de nos gouvernements impies, libérés mais scellés par la charia stricte, la seule loi divine, applicable à toute l’humanité égarée par la faute des mécréants et des juifs et des Nazaréens… Et sans attendre, le calife envoya ses Morbidonnes massacrer les infidèles et autres mécréants….Sans pitié, ils réduisirent en miettes, mausolées, monuments, bars, hotels et restaurants, brisèrent sans états d’âme, dancings, conservatoires et studios photo ». (p.64)
             « En moins de deux ans d’occupation de Maabala et des environs, le calife avait réussi le tour de force de bâtir une mosquée deux fois plus grande et plus fastueuse que toutes celles que j’avais vues depuis que j’étais venu au monde. Elle lui servait en même temps de salle d’audience ».  (p 143)

              « Il fallait effectivement être fou pour affirmer le contraire de ce que le calife avait dit. » (p 156)
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