Une grande auteure francophone de
la Suisse, nous a quittés. Elle s’est éteinte, le 11 février 2015 à Lausanne.
Anne Cunéo
Anne Cuneo est née, le
6 Septembre 1936, à Paris, de parents Italiens. Elle était, à la fois, metteur
en scène, journaliste, traductrice, écrivaine, cinéaste et réalisatrice suisse.
Sa renommée dépassait largement les frontières helvétiques puisqu’elle a été
nommée en mars 2013, par l’ambassadeur de France, commandeur de l’ordre
national du Mérite. Et a obtenu le prix Schiller pour l'ensemble de son oeuvre.
Au-delà de ce court rappel
biographique, nous garderons l’image d’Anne Cunéo présente à la 12ème
Foire du Livre du Breuil en Bourgogne(France), les 15/16 et 17 octobre 2010 et
je me rappellerai, avec émotion, notre retour à l’aéroport de Lyon afin d’attraper
son avion pour Zurich alors que l’autoroute était encombrée.
Anne Cunéo restera vivante grâce à une
œuvre de qualité au service de la justice et de la dignité humaine. C'était une femme de conviction.
Pour mémoire, rappelons ce beau
roman, Zaïda, nom donné en mémoire
d’une tante, Zaïda Cunéo. (Ce roman a déjà été présenté sur notre blog). Citons
aussi le trajet de la rivière,
l’émouvant roman Les corbeaux sur nos
plaines entre autres, sans oublier ses romans policiers qu’elle appelait des "romans sociaux" : Le sourire de Lisa,
D’or et d’oublis, Lacunes de la mémoire.
Tous ces titres et
d’autres figurent au fonds francophone du Centre Francophonie de Bourgogne au
Breuil en Bourgogne (71).
Nos condoléances à ses proches et à son
éditeur suisse, Bernard Campiche, pour qui elle avait une grande estime.
Comme message d'espoir, nous laisserons la parole à l’une de ses
héroïnes : « Je suis heureuse d’avoir vécu la vie que
j’ai vécue…La vie est belle… Elle vaut la peine d’être vécue car elle offre
chaque jour une beauté nouvelle. »
Aperçu des rencontres de Denis Pourawa, poète Kanak,
en Bourgogne, les 23 et 24 janvier 2015, invité par le Centre Francophonie de
Bourgogne.
Lecture à 2 voix avec une lycéenne
Denis
Pourawa a d’abord été accueilli au CDI
du lycée Léon Blum, au Creusot où une classe de 2d l’attendait avec de
nombreuses questions, puis il a dialogué avec 2 sections
professionnelles : coiffure et esthétique. Beaux dialogues, élèves
intéressées et questions bien ciblées.
Des lycéennes attentives
la section esthétique
L’après midi,
Denis Pourawa est allé à la rencontre d’un groupe d’adultes à la Maison des
Familles à Torcy, petite ville proche du Creusot. Superbe rencontre, dialogue
vrai et sympathique.
Rencontre avec les enfants
Il y a eu aussi
une courte rencontre avec des jeunes de l’accompagnement scolaire de Torcy qui
avaient travaillé sur son album, « Téâ Kanaké ». Denis Pourawa leur a conté une histoire de son pays. Les enfants étaient ravis et, vedette
oblige, il a eu droit à la séance de signatures d’autographes !!!
Le soir,
échange avec une salle comble dans la BM de St Pierre de Varennes, petit
village de la région où, le monde est petit, une ancienne habitante de Nouméa
est venue le rencontrer et s’est rappelé, émue, sa vie là-bas…. Et le lendemain
nouvelle rencontre, cette fois, à la BM de Sancé, ville jouxtant la ville de
Macon, le pays du vin, avant de reprendre le TGV pour Paris sous une tempête de
neige !!!
L’écrivain kanak a beaucoup parlé de son île, la
Nouvelle Calédonie, expliqué le sens culturel du Taro et de l’igname, parlé de
la coutume en montrant les gestes et les paroles, a répondu aux nombreuses questions
sur son parcours.
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La presse
locale, Creusot infos et le JSL, l’a
interviewé. Nous reproduisons ici, in extenso, l’interview réalisé par le
journal de Saône et Loire, puis celui de Creusot infos.
Culture Un poète kanak au Creusot
le 23/01/2015 à 05:00 Vu 194 fois
Denis Pourawa est
arrivé en France en 2009 pour une longue « expérimentation » de son écriture.
Photo N. M.
Basé au Breuil, le Centre francophonie de Bourgogne reçoit ce vendredi
le Néo-Calédonien Denis Pourawa, pour une mini-tournée littéraire sur
l’agglomération creusotine. L’écrivain poète kanak a répondu à nos questions.
Comment avez-vous vécu, à l’adolescence, les tensions de
1984-1988 entre opposants et partisans de l’indépendance de la
Nouvelle-Calédonie ? J’ai vécu ces événements dans le feu
de l’action, avec une violence quotidienne vécue de mes 14 à mes 18 ans, dans
mon quartier populaire de Nouméa. À cette violence extérieure s’est ajoutée une
violence intérieure. J’ai quitté l’école en 3e car je
me suis retrouvé en conflit avec l’Éducation nationale. Les discours de
certains professeurs nous faisaient comprendre que l’école n’était pas pour
nous. Il y avait d’un côté les Mélanésiens et les Calédoniens, de l’autre les
gens issus de la métropole. Ce qui m’a protégé, ce sont les valeurs de ma
famille. Est-ce cela qui vous a poussé à l’écriture ? L’écriture a été, plus tard, un moyen
d’expression et un acte de révolution pour ma génération, cette génération qui
a eu la volonté de retrouver nos langues et de les frotter à la langue
française. C’est cette émanation qui a donné naissance à de jeunes auteurs
voulant parler de nous de l’intérieur, pour qu’on nous comprenne. Pour moi,
l’écriture est le fruit de ce que je ressens, de ce que j’ai vécu et de ce
qu’on m’a transmis. J’essaie de retrouver ma respiration dans l’écriture. Qu’est-ce qui vous a amené en France en 2009 ? Je suis venu pour une résidence
d’écriture et de recherche à Paris. J’ai pu expérimenter le travail avec des
comédiens et jouer moi-même. Un passage en Pologne m’a permis d’expérimenter
cette culture théâtrale. Entre-temps, l’édition de mon recueil de poèmes et
textes en vers, La Tarodière, a été un acte fort dans l’expérimentation de mon
écriture. Aujourd’hui, j’estime être toujours dans l’expérimentation. Un référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie
doit être organisé d’ici à 2018. Quel regard portez-vous sur cette question ? Le destin commun sur la
Nouvelle-Calédonie ne peut pas être un projet politique, car il part d’une
utopie. Et comme l’utopie est poétique, ce destin commun est pour moi un projet
poétique. En Nouvelle-Calédonie, le peuple vit déjà ce destin commun, la
cohabitation se respire dans la société. Sur la question identitaire et les
valeurs culturelles, les Calédoniens ont la maturité pour aborder ce projet de
société porteur. C’est seulement dans le champ politique que des divisions se
sont créées. Le peuple vit dans un vide et les propositions politiques ne le
satisfont pas. Le plus terrible est que ce peuple calédonien n’est pas éduqué à
ses droits, tandis que les jeunes qui partent se former en France ne reviennent
pas. L’autre grande question est de savoir comment la Nouvelle-Calédonie sera
protégée des grands pays qui l’entourent, comme la Chine. --------------------------------------------------------------
Trois questions à Denis Pourawa,
écrivain Kanak (Nouvelle Calédonie)
Creusot-info,Bonjour monsieur Pourawa,
1) Vous serez l’invité de la BDSL
71, le 22 janvier, au Breuil, puis l’invité du Centre Francophonie de Bourgogne
pour une tournée littéraire ensuite. Vous allez rencontrer des enfants, des
lycéens, des lecteurs, dans quel esprit êtes-vous pour cette 1ère visite en
Bourgogne ?
Denis Pourawa : Bonjour à
tous. Avant tout, je tiens à exprimer très chaleureusement mes voeux les
meilleurs pour les étudiants de Bourgogne.
Dans quel esprit je suis ? Je suis
dans l'esprit de la "poésie", c'est-à-dire, je suis dans un état
d'esprit de passion, de clarté et de créativité.
Dernièrement, sur Paris, un attentat a
bouleversé la France entière. C'est terrifiant ! Le monde dans lequel nous
sommes, nous citoyens, est un monde sans boussole et sans gouvernail, sans
voile et sans capitaine. Le poète, lui, il est boussole, voile, gouvernail et
capitaine de son bateau et il navigue dans les flots, les saisons, les intempéries de la
société contemporaine, en cherchant à exprimer, quand il le peut, ses aventures
et ses expériences. Je suis de cet état d'esprit-là.
Creusot-info
2) Vous êtes Kanak, de langue xârâcûû, pouvez-nous nous présenter brièvement la
société civile de la Nouvelle Calédonie que l’on connaît peu en France ?
DP- Oui, je suis Kanak, c'est à
dire, homme de la terre, humain. Kanak n'est pas une identité comme l'identité
française qui désigne un individu d'un pays et d'un endroit géographique du
monde. Kanak (kanaka) est un mot Hawaïen qui désigne une personne
humaine qui vit sur une île de l'Océanie. C'est un être qui valorise le respect
entre les hommes et la nature.
Pour vous parler de la société
civile de la Nouvelle-Calédonie, je vais tout simplement vous dire "
Destin Commun". La société civile Kalédonienne est une société
multiethnique qui s'exprime par le français, la langue officielle. Il existe
aussi 28 langues vernaculaires dont 4 sont enseignées à l'université, dans les
collèges et les lycées.
Mais de tout cet ensemble de
langues, nous parlons la langue d'une volonté commune, une langue de création
en un "Destin Commun", du partage des richesses humaines, économiques
et sociales entre les différentes communautés vivant en Nouvelle-Calédonie.
Creusot-infos 3) Dans votre belle nouvelle l’horloge végét@le (Vents d’ailleurs
éditions), la nature en est au centre. Est-ce une valeur kanake ? Est-ce vitale
pour vous parce que vous parlez d’une nature globale (terre, mer, soleil, air,
végétaux)? Est-elle en danger en ce moment dans l’île, autour de l’île, (le
lagon par exemple) ?
DP : L'horloge
végétale est une petite nouvelle poétique que j'ai commencée à écrire à mon
arrivée à Paris en 2008. Et puis, c'est resté dans mes notes. Mes rencontres
avec une artiste peintre qui peignait au vernis presque
"l'invisible", et puis, un peu plus tard, avec une autre artiste
plasticienne qui exprimait son art en créant des chapeaux végétaux, ces
rencontres ont été pour moi deux rencontres très fortes qui rejoignaient mon
amour pour la nature, le minéral et l'humain bouleversés par les changements
climatiques de notre époque.
Cette petite nouvelle est une
forme de conversation hermétique avec un personnage fictif, mais ce personnage
répond à " l'homme animal" de Kant.