Une femme que j’aimais
D’Armel JOB
(Robert Laffont)
Superbe roman, mi policier mi
thriller, à la Simenon, mais en plus psychologique.
Le récit
Claude, jeune aide-pharmacien, à
Charleroi, célibataire, reste très attaché à sa tante, la belle Adrienne. Adrienne, née Vanhout, est l’épouse de
l’oncle André Jansens, le frère du père de Claude. André aujourd’hui décédé,
tenait une boucherie charcuterie, aidée au comptoir par sa femme Adrienne.
André Jansens, ancien baroudeur,
soldat en Corée l’avait épousée, contre toute attente, malgré de nombreux
prétendants, plus ou moins déclarés.
Claude a pris l’habitude de rendre visite à sa tante, chaque semaine,
dans sa grande maison, la Villa Circé. Adrienne aime ce neveu qui ne l’a pas
oubliée. Julie et Philippe, ses propres enfants la délaissent et les parents de
Claude voient d’un mauvais œil ces visites régulières. C’est que le passé est
lourd de sous-entendus. Les femmes la mère de Claude et Adrienne ne s’apprécient
guère.
Or, lors d’une visite hebdomadaire, sa tante ne vient pas l’accueillir
comme à son habitude. Et pour cause, elle git inanimée dans sa cuisine. Il
relève le corps, l’installe sur une table, elle a la nuque brisée, (mais il ne
le remarque pas tout de suite), et appelle sa mère. Mais dans son esprit un
doute subsiste : chute mortelle ou assassinat ?
Sa mère surtout, le dissuadent de signaler ses doutes à la police car il
serait le 1er accusé.
Il se rappelle alors, que, lors d’une visite,
sa tante lui avait dit vouloir lui confier un secret. Secret qu’il ne souhaitait
pas entendre pour ne pas entrer dans l’intimité de sa tante. Mais désormais, il
s’interroge et décide de chercher quel était ce secret.
Après l’enterrement, commence sa propre enquête. Et il va aller de
surprises en surprises.
Les remplaçants de son oncle à la boucherie, surtout, l’épouse, la
soupçonnaient d’avoir un amant, un modeste électricien, qu’elle allait voir
tous le vendredis après-midi, un certain Colbers. Après contact avec l’ancien
serveur du café, Norbet Bonami,
aujourd’hui en maison de retraite, et vérification auprès de la veuve Colbers,
qu’il a dénichée, le mari n’avait pas d’amante.
Entre temps, sa cousine Julie, lui remet une grosse enveloppe
d’Adrienne. Et à l’intérieur, les lettres d’amour qu’il y découvre, orientent
ses recherches.
De fil en aiguille, Claude apprend que sa
tante a aimé passionnément un mineur Italien, le beau Calogero et qu’il logeait
chez une dame, une certaine madame Potelle.
Adrienne a été mère à 17 ans ; son père
l’a éloignée du domicile parental, pour éviter le scandale. Elle a été
accueillie chez la sœur d’un prêtre, le père Paul, ancien enfant juif converti,
dont les parents sont morts lors de la Shoah.
Le père Paul est adulé par les gens. Il est dévoué, généreux et a
beaucoup aidé les familles de mineurs lors de la grande catastrophe où a péri,
hélas, Calogero. Mais il découvre aussi un personnage trouble, à plusieurs
facettes.
Claude apprend qu’Adrienne se
faisait aussi appeler Angelina. Qu’elle avait fréquenté, comme ses parents, la
JEC/JOC animée par le père Paul. Que tout le monde était attiré par la beauté
d’Adrienne, son père, son oncle et même le père Paul.
Petit à petit, Claude découvre qu’Adrienne/Angelina avait une fille,
Nadine, un amour de Calogero, aussitôt retirée à la naissance et adoptée par
les époux Colbers.
Le soupçon de meurtre demeure. Qui
est l’auteur ? Son propre père ? Une femme jalouse ?
Il rencontre Nadine, la fille d’Adrienne qui s’est éloignée de Charleroi
et de ses parents adoptifs et qui, visiblement, a tiré un trait sur son passé
encombrant. Claude découvre enfin comment est morte Adrienne.
Armel Job tisse son
action en entremêlant l’histoire de la Belgique, en analysant en permanence le
comportement secret de chaque personnage, en pointant du doigt, les haines, les
amours, les passions, les souvenirs, la nostalgie, les regrets, les doutes. Il
excelle à décortiquer les codes sociaux de l’époque et discute le comportement
des institutions d’alors, dont celui de l’Eglise.
Et pour court circuiter l’intuition
du lecteur, Armel Job va même imaginer de fausses pistes.
Roman de grande qualité, palpitant. Style
agréable.
L'auteur parlant de son dernier roman au lycée du Creusot |
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Citations
« La mort des autres nous fait songer à
la nôtre » (p.18)
« L’opprobre d’un jour, c’est
comme une marque au fer rouge, ça ne s’efface pas » (p.20)
« Quand on a trouvé une solution
à un problème, on ne se fatigue pas à en chercher une autre » (p.32)
« La vie, quand on y pense est
totalement dépourvue d’imprévus » (p.49)
ut aller chercher. » (p.83)
« La douleur nous enferme dans
son horrible présent. L’avenir nous est alors indifférent » (p.162)
(Que faire) « Devant la
détresse de ceux qui n’ont que la superstition comme réconfort » (p.199)
« Les curés disent qu’il n’y a
pas de foi sans les œuvres, mais il y a des oeuvres qui se passent allègrement
de la foi » (p.205)
« On ne désire rien si fort que
ce qui est refusé » (p.256)
« Autant le malheur est
résistant le plus souvent, autant le bonheur ne tient qu’à un fil »
(p.256)
« On est plusieurs personnes
successives dans la vie. L’adulte en qui on se transforme fait bien des fois
regretter aux parents l’enfant dont il est issu » (p.264)
« Les enfants n’ont pas à demander raison
des actes de leurs parents. Les parents ont vécu, les enfants feront de même,
de leur mieux » (p. 277)
« Une mère naturelle reçoit son
enfant, une mère adoptive l’acquiert » (p.278)
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