21 mars 2021

 





                  Le tambour des larmes (Elyzad) (Prix Kourouma 2016)

                                     De Mbarek Ould Beyrouk (Mauritanie)

          A noter que les éditions Elyzad de Tunis, dirigés par Elisabeth Daldoul publient des ouvrages de qualité. Des éditions qui comptent au Maghreb. 

            

                Rahma est une jeune bédouine de la tribu des Chella, fratrie des Ghassem. C’est elle qui raconte.

               Elle est jeune ; sa famille est respectée et riche ; son oncle dirige le clan.

               Chaque soir, sur la dune, elle participe avec les autres jeunes, garçons et filles réunis, aux veillées où, tour à tour, se mélangent chants, poésie et jeux de séduction.

               Tout va pour le mieux jusqu’au jour où des ouvriers Blancs viennent sonder le sol non loin du campement de la tribu. Observation méfiante, contacts polis, mais la distance est de rigueur.

               Cependant, un jeune ingénieur, Yahya, ose franchir le pas et venir se mélanger aux jeunes. La méfiance s’estompe ; Pris au jeu de la séduction, Yahya séduit Rahma et le destin de la jeune fille va basculer.

              Un matin, sans crier gare, les chercheurs ont disparu; Yahya aussi sans en avoir prévenu Rahma auparavant…Et la jeune bédouine se retrouve, seule, avec son secret.

              Quelque temps après, la famille (oncle, cousins, mère) s’aperçoit que Rahma a mauvaise mine et il est décidé de l’envoyer au bord de la mer pour lui refaire une santé. A noter que le père a quitté femme, enfant et tribu pour la liberté à la ville, sans donner de nouvelle.

              La mère et la fille dressent leur tente non loin de la plage. Mais la mauvaise mine perdure et une guérisseuse appelée au secours, annonce que Rahma est enceinte. La mère crie à son déshonneur perdu, s’enferme sur sa fierté et la religion et séquestre sa fille.

              L’atmosphère est pesant et avant de regagner la tribu, l’enfant est confié à la servante, Massouda qui s’attache à l’enfant.

              Rahma est mariée sans son avis au cousin Memed qui l’aime depuis longtemps ; mais Rahma ne supporte plus qu’un homme la touche. Pour apaiser son épouse et se l'attacher, Memed, un jeune époux sincère, part à la recherche de l’enfant et il apprend que la mère de Rahma est venue récupérer l’enfant, en secret, pour le confier à d’autres et il est introuvable. Un cœur de mère ne peut supporter une telle épreuve.

             Une nuit, Rahma, de colère et de révolte, fuit le campement en emportant le tambour sacré, l’âme de la tribu. Et la tribu ne peut accepter l'affront.

             S’ensuit une longue odyssée faite d’embûches, d’amis qui l’aident et l’auteur nous plonge dans la Mauritanie profonde.

             C’est une longue quête de liberté qui passera par les retrouvailles avec la chair de sa chair, ce petit être très vite arraché à sa mère pour sauver l’honneur du clan et éviter la honte.

             Dans cette longue quête existentielle, Rahma retrouvera-t-elle son enfant ? Ou sombrera-t-elle dans les bas-fonds de Nouakchott et la folie ?

             Style agréable, action alerte, roman très prenant.

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Citation

(p.72) Le paradis de l’esclave est sous les pieds de son maitre »


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8 mars 2021

 





                     Dans le ventre du Congo (Seuil/Mémoire d’Encrier)

                                     De Blaise Ndala (RDC/Québec)



Voici un grand roman qui chevauche allègrement les époques et scrute avec précision l’histoire de ce vaste pays.


Le récit

              La belle princesse Tshala Nyota Moelo, fille du roi, Kena Kwete III, est destinée au fils du roi voisin. Mais la belle princesse, lycéenne chez les religieuses belges tombe sous le charme d’un certain René Comhaire, mi diplomate belge mi escroc amateur de masques.

              Le courroux du père/roi ainsi désavoué est une menace et pour sa fille et pour René Comhaire lui-même. Les autorités coloniales l’éloignent rapidement laissant la princesse, de fait, sans protection. L’amant en fuite a le temps de confier la jeune femme, en danger, à un collègue, un commerçant peu scrupuleux, un certain Mark De Groof qui abuse de la jeune fille et face à la révolte et la colère de cette dernière, l’expédie de force à Bruxelles où avec une vingtaine d’autres Congolais, elle sera la vitrine de l’œuvre civilisatrice de la Belgique, à l’Exposition Universelle de 1958.

             Et l’ignominie a lieu. La princesse et les autres Congolais sont parqués dans un enclos à ciel ouvert et sont sujets de la part des visiteurs à des quolibets, cris de singes et jets de bananes. La même ignominie eut lieu dans la même ville en 1897 où 267 Congolais prirent le bateau pour Anvers. Mais Français ne nous moquons pas ; les autorités françaises ont fait la même chose avec des Kanaks à l’Exposition Coloniale de Paris en 1931. 111 Kanaks mis en enclos sur le thème du « sauvage cannibale » !!!

L'atomium, symbole de l'expo 1958 de Bruxelles

            Après une dispute entre Congolais, la princesse blessée, enceinte du viol, perd son bébé et décède. Et personne au Congo ne sait ce qu’elle devient.

           50 ans plus tard, sa nièce, belle aussi et princesse du même prénom, Nyota, venue parfaire ses études universitaires à Bruxelles, se met à la recherche de sa tante.

           Dans l’écheveau de l’histoire et au milieu de nombreux personnages (le chanteur congolais Wendo Kolosoy, le footballeur Passy Yakembo, l’africaniste Jeff Funcken et Francis Dumont, en mal de père), elle peut retrouver la trace de la disparue et se recueillir sur sa tombe au cimetière de Tervuren.

           A travers cette tragédie, ce long et très documenté roman dégage 5 lignes de force :

·                           Le Kongo, contrairement à ce que les puissances coloniales pensent, a bien eu un panthéon de dieux, des dynasties royales puissantes, des prophètes et même, une Jeanne d’Arc noire du nom de Kimpa Vita.

·                        Après Stanley qui cartographie le pays, le Congo devient la propriété personnelle du roi belge ; l’occupation est d’une rare violence et d’une barbarie sans limite : esclavagisme, exécutions sommaires, mains coupées….

·                         Et cette ignominie d’exposer comme des animaux de zoo des êtres humains dans un enclos, lors des expositions universelles (1897 et 1958), à Bruxelles.

·                         Le roman aborde la période de l’indépendance, la mise sur orbite de Patrice Lumumba, un patriote lucide et actif, son exécution et la duplicité de Mobutu, le chef des armées.

·                         Enfin, Blaise Ndala, en humaniste, termine ce long roman en invitant les générations futures, du Congo et de la Belgique, à la réconciliation et imagine le pari d’une fraternité apaisée pour l’avenir.

Un bon et grand roman.

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Citations

(p.14) Le pouvoir de la parole pour recoudre la camisole de l’honneur perdu sous le regard scrutateur des gardiens de mémoire. » 

(p.57) « Nuit et jour le fleuve poursuit son voyage vers l’embouchure. Quiconque se tient sur la berge en espérant surprendre les torrents rebroussant chemin vers la source n’a rien compris aux murmures des montagnes »

(p.134) « Selon la légende qui remonte au 5ème siècle, il y avait dans les eaux bordant la ville où vivent mes parents, un géant du nom de Druoon Antigon. Moitié homme, moitié monstre, cette horrible créature réclamait un droit de passage exorbitant aux navires qui croisaient sa route. Mais le géant ne faisait pas que cela : il coupait la main à quiconque, homme ou femme, refusait de payer. » La suite : un héros arrive, un centurion romain (rien que ça) et coupe la main du géant et la jette dans l’Escaut (Belgique), d’où le nom Antwerpen « la main jetée ».

(p.249) « Un véritable ami est un rempart lorsque les éléments se déchainent et que le péril rôde »

(p.252) « On devient ce qu’on reçoit » !!!!

(p.279) Nul n’est prisonnier de ses gènes, la vie est une aventure bien plus riche qu’un procès sans fin aux dieux.

(p287) « Quiconque convole en justes noces avec un étranger épouse la terre qui a nourri l’élu de son coeur »

(p.290) Tout problème a forcément une solution.

(p.320) Le hasard était souvent meilleur serviteur que la volonté de l’homme et qu’il y avait derrière le voile qui le recouvrait, une trappe qu’il fallait ouvrir sans se poser mille et une questions.

(p.354) Un enseignant veut dire aussi un guide.

(p.357) La mémoire n’est pas un tribunal, c’est un antidote pour le futur.

        Rappel de la page 329 : Woto le Pieux souverain ; les rois Kongo avec Kimpa Vita, la Jeanne d’Arc noire. Le prophète Simon Kimbangu et son martyre dans les chaines montagneuses de Bula Matari.

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