16 mai 2021

 

                                    N’être (La cheminante)


                  

 De Charline Effah (Gabon)

                                     

 Voici un roman en petit format, mais un grand roman à l’écriture puissante.

                Quelle importance et quelles conséquences, aura l’attitude d’une mère ou d’un père, sur la vie future d’un enfant ? Sans aucun doute, conséquente et primordiale. Le bon roman de Charline Effah le démontre.

                 Une femme, Medza dans le roman, mariée et délaissée par son mari et à laquelle il lui doit sa carrière, (bonjour la muflerie !), se retrouve enceinte après une liaison avec un autre homme.

                Cette mère, de honte, sentant la catastrophe inéluctable, tente de décrocher le fœtus, car « Point de salut pour une femme hors du cadre conjugal ». Comme un défi de vie, Lucinda, une petite fille, plus noire que ses frères et sœurs, vient au monde. Vite, il faut éloigner la preuve de la faute et sa génitrice la confie à sa sœur qui l’élèvera. Bébé que l’on dépose « le temps de l’oubli ou du pardon ».

                Un peu plus tard, on va récupérer la fillette et on la loge, non pas dans la maison avec la famille, mais dans la chambre de bonne, qui servira plus tard de débarras.

               A 17 ans, Lucinda prend son envol, non sans déchirure et vogue vers la France, avec son mal être et sa dureté de façade, sa cuirasse en sorte.

             Belle femme, elle attire les regards. Un prétendant, Elvis, lui fait une cour assidue, mais il ne sera jamais un amant. Par contre, un vrai amant choisi celui-là, fait son apparition, Amos, déjà marié. « Mais qu’est l’amour si non l’errance des cœurs qui se cherchent ».

 Lucinda cherche et se cherche. Manipule affectivement l’un et l’autre, en réalité, pour rester en vie, car la blessure de l’enfance est toujours béante.

             Enceinte, Lucinda se voit lâchée par son amant qui, en grand courageux et en bon comédien, accepte les avantages et refuse les inconvénients. Comment ne pas se rappeler la vie de sa mère ?

             Lucinda a compris. Elle coupe tout et retourne chez elle, voir sa mère, sa chambre de bonne, son enfance, humer l’air de la terre natale.

             Le contact avec la mère est froid, puis sa mère se confie, se confesse plutôt, et l’origine de Lucinda éclate au grand jour.

            Peut-on juger une mère ? D’autant plus que Lucinda voit de ses yeux, une femme brisée, désabusée, abandonnée. Ses enfants se sont éloignés, son mari est mort en prison (cette femme bafouée s’est vengée : un faux témoignage qui a précipité sa chute).

            Si toute vérité n’est pas toujours bonne à dire, ici, la vérité pour Lucinda a joué le rôle de catalyseur, de re-naissance.

            Et le titre N’ETRE qui joue avec son paronyme NAITRE, traduit à merveille une histoire douloureuse qui réunit à nouveau la mère et la fille. Et l’amour rompu, mère-fille, semble se reconstruire.

            Bon roman, style travaillé et dense, vocabulaire fort.

            Charline Effah, une écrivaine francophone de la diaspora africaine au talent prometteur.

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Citations

(p.31) « Qu’est-ce l’amour, sinon l’errance des cœurs qui se cherchent ? »

(p.54) « Le futur n’appartient à personne parce que nos peurs y siègent. 

La seule chose qui me fasse peur, c’est de ne plus m’obéir, de laisser le monde me modeler »

               « Tu veux dire qu’un mensonge validé par un grand nombre est plus crédible qu’une vérité détenue par une minorité ».

(p.58) « On ne peut rester la même personne toute sa vie, pas plus qu’on ne peut prendre nos convictions pour des postulats universels ».

(p.60) « Les apparences sont comme le sable dans le désert, elles recouvrent des carcasses de vies, le temps qu’une tempête se lève et les mette à jour »

(p.64) Le mot enjaillé : Charmé, s’amusé

(p.109) « La servitude putrifie l’homme »

(p.110) « Chacun de nous a une image de sa vie, certains rêvent leur vie et d’autres vivent leurs rêves »

(p.112) « L’équilibre, c’est dans la tête qu’il siège »

(p.127) « Une femme sans homme est perdue. Point de salut pour une femme hors du cadre conjugal »

(p.128) « L’amour est toujours motivé par le manque que l’on comble par l’autre, le manque l’on souhaite qu’il comble afin de nous sentir entièrement nous-mêmes, entièrement dépendants aussi »

(p.129) « Tu as cru que ton bonheur dépendait de l’emprise que tu aurais sur lui, mais personne n’appartient à personne »

(p.143) Dans l’épilogue : « L’oubli est un rempart qui protège des assauts de la mémoire »

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                     Ce 2ème roman de Charline Effah est aussi un roman puissant où la quête de la mère et le sens de l'existence en sont les points forts. Deux bons romans à découvrir.

 

6 mai 2021

 

                 Trois incendies (Stock Arpège) (Prix Victor Rossel 2019)

                                De Vinciane Moeschler (Belgique/Suisse)

Vinciane Moeschler, l'auteure



        

                  Voici un grand roman polyphonique. L’auteure nous catapulte, sans pitié pour le lecteur, d’un pays à l’autre, d’un âge à l’autre et nous plonge dans la vie trépidante de ses trois personnages, trois destins féminins, trois incendies incandescents : Léa, Alexandra, Maryam : la mère, la fille et la petite fille.

                 Léa est d’abord la petite fille quand ses parents fuient la Belgique envahie par les troupes allemandes, en 1940. C’est la petite réfugiée qui subit le froid, la faim et la peur, avec Martin, Simon et Jean, ses frères, mais aussi la grand’mère paternelle, Rose, (laissée en chemin) et la tante Emma. La tribu au complet ! Puis, c’est Léa, jeune femme, qui fuit sa mère abîmée dans la religion et ses codes sociaux, pour se réfugier à Genève où Alexandra voit le jour.

                  Alexandra, à la vie amoureuse éclatée, est photographe de guerre. Partout à couvrir les conflits : celui du Liban la retient : le massacre barbare du camp palestinien de Chatila, le regard d’une petite fille à la robe bleue, les souffrances à nu et surtout le beau Lounis, chauffeur/guide palestinien et amant. Mais Saul, qui vit à New York, lui d’origine juive, est toujours son mari.

                Myriam, sa fille, est laissée à Bruxelles, aux soins de Analyn, une nounou indonésienne, qui veille aussi sur Léa, primo alzheimer. Myriam est toujours en attente de sa mère qui court la planète. Elle aimerait bien son père à ses côtés, mais il est aux USA. Son père, eh bien non, puisque, à l’adolescence de Myriam, Alexandra est obligée de lui dévoiler qui est son vrai père : Lounis.

              Celui n’est plus ; il s’est fait sauter pour venger le massacre de Chatila. Dès lors, Myriam sera à la recherche de ses racines. Il lui restera à trouver un membre de sa vraie famille. Le choix se portera sur une sœur de Lounis, sa tante en fait, expatriée en Argentine.

             Voilà Myriam, partie en Patagonie, sur les traces de sa tante paternelle et la quête s’arrêtera devant une tombe, tournée vers la Mecque.

              Roman époustouflant. Chaque personnage s’exprime tour à tour parfois à la 1ère personne ou quelqu’un d’autre parle à sa place.

              Récit volontairement haché, découpé, morcelé; un puzzle certes, mais assurément une grande nef majestueuse.

 Trois femmes de vie incandescente.

   (A trouver sur les rayons du fonds francophone (5200 ouvrages) du CFB, BM de Le Breuil (71 France) )                       -------------------------------------------

Citations

(p.116) Il n’y a pas de honte à préférer le bonheur.

(p.194) « Qui oublie son passé se perd soi-même » (Proverbe palestinien)

(p.252) A différents moments de la vie, il nous arrive à tous d’être comme en arrêt, au bord de quelque chose, sans savoir quoi faire.

(p.265) Même les grandes douleurs peuvent s’estomper et si on veut vivre, il faut s’éloigner de ses mots.

2 mai 2021





Le Centre Francophonie de Bourgogne a plaisir à vous faire découvrir :

                       Fatima MELLAL, artiste peintre, Amazigh marocaine.

        Fatima est née et a vécu à Tamlalte, petit village pittoresque qui domine la vallée du Dadès, peu après la ville carrefour de Boumalne du Dadès. Sa maison et son atelier font face à la falaise dite « la vallée des corps humains », appelée aussi « la vallée des doigts de singe » (photo)(pour les guides touristiques), mais l’ifzwan, « la falaise rouge » pour les habitants.


                          La maison familiale est désormais un gîte d'artistes, le « Monkey Finger's house ».

        On peut classer la peinture de Fatima Mellal parmi la peinture naïve ; rien à voir avec les peintures naïves d’Haïti, de Serbie, ni du Musée des Naifs de Nice. En ancienne tisseuse de tapis berbères (Photo), on trouvera dans ses toiles, moult motifs de sa culture, dont les nombreux symboles amazighs, le célébre , le yaz, symbole de l’homme libre.

         Certaines toiles de Fatima sont structurées en cartouche comme les hiéroglyphes et le dessin figuratif est fréquent.

          Autodidacte, Fatima a été encouragée par son frère Mohamed Mallal, professeur d’arts plastiques à Ouarzazate, artiste peintre lui-même, poète tifinagh, auteur compositeur interprète.

        Fatima est découverte et encouragée par Margrit Hasler, une artiste suisse fascinée par son style, qui lui ouvre les portes sur le monde. 

       Ses grandes sources d’inspiration sont le village de Tamlalte et sa célèbre falaise rouge dite, pattes des singes, comme son quotidien, les signes et les symboles de la culture amazigh. Sa peinture dégage une ambiance brute et surréaliste, pleine de poésie et de chaleur.

         Fatima a pris l’initiative de créer au village une maison d’hôte d’artistes ; et  son atelier est ouvert à tous ceux qui aiment peindre (étrangers et Marocains), les lumières et les paysages de la région : une sorte de gîte d’art.

        Deux personnalités de renom international (Fatima Mernissi et Cyntha Becker) ont été fascinées par le parcours atypique de Fatima Mellal. Fatima Mernissi, la grande sociologue et féministe marocaine, lui a consacrée des pages dans ses ouvrages : « Les sindbades du Maroc » et « A quoi rêve les jeunes du Maroc » et Cyntha Becker (professeur chercheur américain (Nouvelle-Orléans USA) a montré le style de Fatima Mellal dans son documentaire « l’art amazigh au Maroc ».

         Fatima a exposé au Maroc (Ouarzazate, Casablanca, Agadir, Zagora), en France (Annecy), en Espagne, en Allemagne, à New York, à Bahrayn, en Allemagne et aux Pays Bas.

         Le CFB est heureux de vous montrer un florilège de cette peinture attrayante et originale, « entre parts de présent et des rêves de futur » (Jean-Luc Raharimanana) ; Certain que « Le temps ouvre toujours les portes, le temps nous aménage toujours une plage de possibilité » (Jean-Luc Raharimanana).

Voici une petite présentation des oeuvres de Fatima :


                      




                 


 



 Le Centre Francophonie de Bourgogne (CFB) est heureux de vous présenter :

                         Mohamed MALLAL, artiste amazigh marocain




           Mohamed Mallal, le frère de Fatima, est un artiste aux multiples « palettes » : professeur d’arts plastiques au collège de Ouarzazate, (licence en Histoire des civilisations), dessinateur, peintre, aquarelliste, caricaturiste, scénariste, poète tifinagh, auteur compositeur interprète.

          On peut considérer Mohamed Mallal comme le chantre majeur de l’amazighité.

          Mohamed est un homme de contact et de terrain. Il s’implique dans la vie locale puisqu’il est président de l’association « Tazra Art » des arts et musiques.

           Si on demande Mohamed Mallal à Ouarzazate, « On vous dira : ah bien sûr, le chanteur ! » car Mohamed y est connu comme le loup blanc….


Mohamed, en Homme Libre sur le bord du Dadès


 
Pour découvrir Mohamed Mallal :

                                 youtube: mallal band music

                            instagram: mallal_art

Voici une petite présentation de l’œuvre picturale de Mohamed Mallal

 

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