13 avril 2020

Je suis Ariel Sharon

Le Centre Francophonie de Bourgogne présente aux visiteurs du blog, Yara El-Ghadban, auteure palestino-canadienne.




              
Voici son dernier roman :

                          Je suis Ariel Sharon (Mémoire d’encrier) (2018)
                  

        Cette auteure d'origine palestinienne vivant au Québec imagine un Ariel Sharon dans le coma qui revient sur sa vie.

        Pourquoi Ariel Sharon et pas un autre dirigeant israélien ? sans doute parce que c’est l’homme « dont les politiques ont fait beaucoup souffrir les Palestiniens »
          L’histoire d’Israël et des Palestiniens passe par la parole d’un presque mort (Ariel Sharon est resté 8 ans dans le coma) et aussi par les témoignages d’autres morts, des femmes : sa mère Vera, sa 2ème femme Lily et même par une autre jeune Israélienne, Rita, contemporaine du jeune Arik/Ariel et l’amie, elle, d’un jeune arabe.
           La vie, le parcours d’Ariel et de sa famille se reconstruit à partir de confessions/témoignages, en monologues.
           Comme les personnages sont censés avoir disparu et qu’il s’agit de la mémoire d’un mort, le langage est haché, décousu, faits d’interrogations, de mots coups de poing, de groupes nominaux, car la pensée d’un mort ne peut être structurée. Il en ressort un style brut, violent, sans concession ; sorte de jugement dernier où resurgissent pèle-mêle, exploits, incertitudes, faits d’armes, doutes, ou certitudes. Souvent certitudes quand il s’agit de construire Israël.
           Voilà racontés à travers ces différentes voix, l’histoire de la création d’Israël et le malheur des populations arabes palestiniennes qu’on a chassées progressivement de leurs terres.
            A travers Vera, la mère de Sharon et Lily, la seconde femme de Sharon, on comprend bien les raisons de la venue massive en terre de Palestine, des Juifs du monde entier, principalement de la Russie et de l’Europe Centrale. Il y a la croyance aux écrits de la Bible et surtout les nombreux pogroms, menaces, qui visent les Juifs, partout où ils demeurent. Israël devient donc de fait, la Terre d’accueil naturelle, la Terre d’asile.
            Vera, la mère, raconte son exil des forêts biélorusses vers Tiflis, ses études de médecine inachevées, son mariage avec Simuil, un agronome rêvant d’un pays nouveau, nouvelle terre promise, leur implantation dans un Kibbouz, les rudes travaux de la terre, fusil à l’épaule, la lutte contre les paysans arabes dépossédés mais aussi la rivalité avec les autres colons due au caractère entier de son mari, les guerres successives.
            A travers les témoignages de Lily, la 2ème épouse, on découvre la réalité de l’immigration des Juifs d’Europe Centrale, les durs combats au sein de l’armée israélienne, la constitution officielle de l’Etat Israël en 1948, la vie politique faite de rivalités constantes, la vie familiale de Sharon compliquée, (mort de sa 1ère femme, Gali, le décès accidentel de leur fils, Nour), leur ferme dans le Sinaï et surtout, chef des armées, son souci permanent de toujours lutter.
           Yara El-Ghadban parle peu des Palestiniens, mais la vie de Sharon montre bien la lutte impitoyable et permanente que les Israéliens doivent maintenir pour préserver leur Etat, puisque les populations arabes qu’ils ont lésées, parquées, spoliées n’acceptent pas cette injustice et se révoltent. Beaucoup vivent des lendemains incertains d’où les nombreux exilés.
           Un immense gâchis humain, une injustice aux yeux du monde en contradiction avec les lois internationales.
           L’auteure émigrée au Québec a le mérite, dans ce roman, d’attirer l’attention sur ce drame de l’humanité.
           L’auteure s’exprime principalement à travers des femmes. Peut être parce que créatrices de vie, les femmes savent-elles mieux que quiconque dire ce qu'est le sens de la vie et « ce qu’on ne saurait entendre ? ».
          Un récit d’une grande intensité où l’humain est toujours au centre.
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       Commentaires :  L’impasse actuelle au Moyen Orient, vient sans doute du mélange judaïsme, israélien et sionisme (qui est une colonisation), imposé par les nationalistes qui laissent peu de place à des solutions équilibrées.
            Une quasi-certitude : Il est plus que probable que les Israéliens ne seront jamais en paix puisque les Palestiniens garderont toujours chevillée au corps cette immense injustice, la Catastrophe, la Nakhab, comme ils disent. On n’arrache pas impunément des territoires à d’autres peuples sans réaction.
           Et disons-le haut et fort; sur cette terre, tout le monde a le droit de vivre et nous n'avons qu'une seule vie... 
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Citations

(p.31) « La puissance des hommes surgit de la terre, de l’attachement au sol... ».





          Yara el-Ghadban est née en 1976, à Dubaï, dans une famille de réfugiés palestiniens, d’un père ingénieur et d’une mère spécialiste en littérature arabe.

           Yara a grandi à Dubaï, mais avant de s’installer, en 1989, avec sa famille à 13 ans, à Montréal (Québec), elle a suivi ses parents en exil à Buenos Aires, Beyrouth, Sanaa (Yémen) et Londres.
          Après des études d'anthropologie et de musique, Yara El-Ghadban enseigne, un temps, à l’université de Montréal et à d’Ottawa, avant de quitter l’université pour se consacrer à l’écriture.
         Cette anthropologue, ethnomusicologue, auteure, traductrice et essayiste a publié trois romans, tous aux éditions Mémoire d'encrier, dirigées par Rodney Saint Eloi.
En 2011- L'ombre de l'olivier.
En 2015 - Le parfum de Nour. 
En 2018 : Je suis Ariel Sharon (Prix 2019, de la diversité au festival Metropolis bleu).
        L’auteure a obtenu, en 2017, le prix Victor-Martyn-Lynch-Staunton du Conseil des Arts du Canada.
       On notera aussi, que Yara El-Ghadban a traduit de l’anglais, l’excellent ouvrage didactique « Vivre la Diversité » Pour en finir avec le clivage Eux/Nous (Mémoire d’encrier) de Shakil Choudhury. Ouvrage que le Centre Francophonie de Bourgogne possède.
       Yara El-Ghadban, tout en ayant fréquenté les classiques européens, se dit admiratrice de Gabrielle Roy, l’une des grandes auteures canadiennes, mais aussi de Réjean Ducharme, l’auteur de « l’Avalée des Avalés », Anne Hébert, auteure de l’excellent «  Kamouraska », mais son mentor, et on la comprend, le Gaston Miron de la Palestine, comme elle le nomme,  est Mahmoud Darwich, le grand poète palestinien.
       A travers ses diverses déclarations, on notera que pour Yata El-Ghadban« Les voix de femmes ont toujours été très importantes, car c’est souvent les femmes qui détiennent la mémoire ».
       Si Yara pense que « La littérature peut changer le mond». Elle affirme également, vu l’histoire de sa famille, que « la vraie tragédie est l’expérience du déracinement et de la dépossession violente, de sa terre, de son identité, de son histoire »

      Une auteure francophone à découvrir.


6 avril 2020

La disparue de l'île Monsin



La disparue de l’île Monsin (Robert Laffont)

                      D’Armel Job (Belgique)




           Armel Job, le romancier et académicien belge, nous livre ici son énième roman.
           Comme pour les précédents romans, Armel Job, philosophe de formation, nous plonge, avec « la disparue de l’île Monsin », au cœur de l’être humain, avec ses fêlures, ses doutes, ses certitudes, ses peurs ou fuites en avant.
           Et comme les précédents romans, l’action n’est pas hors sol, mais bien ancrée dans le paysage historique et géographique d’une Belgique bien réelle; plus précisément dans et aux abords de Liège.


Le récit
          Helga Krauss, dont le mari, Jean, l’a quittée, vient déclarer à la police liègeoise, la disparition de sa fille Eva, 32 ans.
           L’enquête est diligentée et un policier débutant, inexpérimenté, Lipsky, bien trop sûr de lui, prend les choses en main et se met au travail.
           Il s’avère que la dernière personne à avoir vu Eva, est un certain Jordan Nowak, un loueur et accordeur de piano. Un brave homme mais quelque peu effacé, voire timoré. Sa femme, par contre, violoniste confirmée, qui donne aussi des cours privés de cette instrument, est plus en vue socialement.
         Comme Eva est introuvable et que Jordan Nowak semble avoir passé la nuit avec elle, pour le policier, il est fort probable que, pris de remords, Nowak l’aurait trucidée et aurait jeté le corps dans la Meuse, toute proche.
       Jordan est donc arrêté et enfermé, mais nie toute culpabilité. Or il ne suffit pas d’inculper, il faut des preuves. Et la recherche de la vérité s’avère compliquée.
       La jeune Eva a bien passé la nuit à l’hôtel, dans la même chambre que Jordan ; il affirme l’avoir bien déposée, à la gare, le lendemain, pour se rendre, dit-il, dans la petite ville d’Eupen où habite sa mère mais ensuite, plus de trace.
         L’inspecteur Bérieux, le chef de Lipsky, conseille à son jeune subordonné, la prudence. En écoutant les uns et les autres, d’abord Helga Krauss, la mère d’Eva, puis le voisin Wolf, jadis émoustillé par Eva, jeune gymnaste, des informations se font jour.
        Le passé, pour chacun de nous, n’est pas sans importance et nous marque plus ou moins fortement pour la vie.  C’est le cas d’Eva. La noyade d’une camarade lors d’un camp, celle, un peu plus tard, de deux autres gamines, puis enfin le décès d’un jeune pompier venu à leur recherche, semblent avoir traumatisé la jeune fille. Emotion gratuite devant ces drames ou relent de culpabilité ?
        Avant de dévoiler le drame final, Armel Job ne peut s’empêcher de sonder la nature profonde de l’âme humaine. Sommes-nous tout noir ou tout blanc ou blanc et noir à la fois ? Parfois responsables et d’autre fois irresponsables ?
         Enfin, le dialogue entre le curé Wallenborn et Lipsky, le policier, montre que l’homme, à la recherche de spiritualité, avec ou sans Dieu, ne peut éviter le doute, y compris pour un ecclésiastique.

          Bon roman, mi policier, mi-thriller, aussi prenant que les précédents. A noter qu’à nouveau, l’élément féminin en est le personnage central.
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2 avril 2020

Accueil de l'éditeur, écrivain poète Rodney Saint Eloi (Québec/Haïti)



               ACCUEIL DE RODNEY SAINT ELOI


                                  Poète, écrivain, essayiste, académicien
                                                      et éditeur à Montréal (Né en Haïti)
                                     Lauréat du prestigieux Prix Charles Biddle 2012 (Canada)

            Le Centre Francophonie de Bourgogne en association avec le CCAS de la ville de Torcy(71-France) a eu le grand plaisir d’accueillir une soirée, le mercredi 11 mars, Rodney Saint Eloi.
          En effet, Rodney nous a fait le plaisir de nous consacrer ce petit temps, inséré au dernier moment dans le programme de sa tournée en Europe.
        Dès son arrivée du TGV, nous nous sommes retrouvés une vingtaine, à 20h, à la Maison des Familles de Torcy, un lieu convivial et accueillant.

Rodney (au centre) au cours du débat

          La soirée a débuté par une lecture à plusieurs voix d’œuvres poétiques de Rodney, extraits tirés de « Je suis la fille du baobab brûlé » et « Nous ne trahirons pas le poème ») dits par le groupe Les Partageurs d'histoires de la Maison des Familles. Les lecteurs étant dispersés dans le cercle, cette disposition donnait l’impression que les voix se répondaient. Forte émotion..
        La soirée a continué autour de plats partagés que chaque participant avait amenés.
        Puis Claude Thomas, le président du Centre Francophonie de Bourgogne a longuement interrogé Rodney : son enfance et sa jeunesse à Haïti, l’importance pour lui de René Philoctète, Davertige et Frankétienne, l’exil au Québec et sa décision de créer Mémoire d’Encrier, son intérêt pour les cultures minorées (Innus, Indiens d’Amérique latine), l’esclavage et sa trace dans les mentalités. 
      On a abordé les douloureux thèmes soulevés, jadis, par André Schwartz-Bart et nous avons naturellement échangé sur l’exil en général.
      Des personnes présentes ont ensuite interrogé Rodney sur d’autres points
      Et la soirée s’est achevée vers 22h par un court florilège de poèmes de Rodney, comme un au revoir amical.

     Belle soirée autour de la poésie et du vécu de Rodney qui restera comme un souvenir marquant autour de la littérature, pont entre les cultures francophones mais pas seulement.       


 

          Grand merci RODNEY et un non moins grand merci aux responsables de la Maison des Familles de Torcy : Anne-Marie, l'animatrice, toujours accueillante et Louise, la directrice. Et que dire de la belle prestation des Partageurs d'histoires qui ont rendu les textes de Rodney si émouvants. Bravo à tous.

     Et un petit texte pour la route (p.97) : Nous ne trahirons pas le poème
             Je meurs aloès 
                  corail je dis
                       Je 
                         Récif
                                Exhale anolis
                                             savane blanche
                                                     poussière d'espérance
                                                                       je nais je
                                                                              nègre marron
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