Le Centre de la Francophonie, animé par Claude Thomas, organise
les 3e rencontres de la diversité, dès jeudi soir. Sonia Chamkhi, écrivain,
explique ce que pour elle représente la diversité.
Vous êtes invitée par le CENTRE Francophonie de Bourgogne (Le Breuil), aux
3èmes Rencontres de la Diversité, les 28/29 et 30 novembre qui auront lieu au
Creusot (France). Vous qui vivez en Tunisie, terre de passage historique, que
représente pour vous la Diversité ?
Sonia CHAMKHI : D’abord c’est avec joie que j’ai accepté cette invitation
parce que je crois profondément à l’échange et au partage : des préjugés
et parfois même de la méfiance nous séparent et ce genre de rencontre tisse
des liens qui ont toutes les chances de venir à bout des réticences et de raviver
l’amitié et la compréhension mutuelle. Et c’est encore mieux si cette
rencontre porte sur la diversité car celle-ci est d’abord pour moi la
reconnaissance de la richesse de la différence d’une part et paradoxalement
le lieu de la convergence de l’humain. Une diversité qui reconnaît les
singularités, les métissages, les minorités et postule l’altérité de
chacun non comme une menace pour l’intégrité communautaire mais au contraire
comme une source d’enrichissement et de renouvellement.
Oui cette conviction est d’autant plus profonde que mon pays a toujours été
non seulement une terre de passage mais plus que cela de brassage et de
métissage. Ceci nous a prémuni des identités meurtrières pour emprunter une
célèbre formule de l’écrivain libanais Amin Maalouf. Mon pays est réellement
multiple, ouvert et singulier : africain, arabe, méditerranéen. Sa
culture vivante, de l’art de vivre à l’art tout court tient de l’apport de
tous ceux qui ont habité son sol : les berbères, les phéniciens, les
romains, les turcs, les arabes, les français, les italiens, les
maltais ; musulmans, juifs et chrétiens, ils nous lèguent un héritage de
la diversité très précieux et je crois que dans leur majorité, les tunisiens
sont conscients de cette immense richesse et personnellement, je me sens
profondément de cette pluralité ouverte et féconde.
Vous avez écrit deux romans. Le dernier « L’homme du crépuscule »
(Ed. Arabesques) retrace le tiraillement d’un jeune Tunisien entre deux
cultures, celle de l’Europe occidentale et celle du Maghreb, qu’avez-vous
voulu toucher du doigt dans ce roman réussi ?
Oui Iteb, le personnage principal du roman est un exilé. Mais pas n’importe
lequel : d’abord c’est un exil forcé, c’est sa mère qui l’oblige alors
qu’il est encore adolescent à rejoindre son père dans la grande
capitale du Nord. Aussi son parcours est-il d’abord celui d’un arrachement et
d’un déracinement. Iteb reste « étranger » à la culture de son pays
d’accueil. Il est en quelque sorte désarmé et subira les préjugés et
l’exclusion parce que aussi, il est incapable de faire les premiers pas…il
m’a semblé important de peindre le portrait d’un étranger : c’est une
manière de donner la parole aux solitaires et aux « non intégrés »
et les faire aimer malgré tout : le roman dévoile son intériorité, sa
sensibilité et sa quête d’amour. Et comme Iteb, en plus de son travail
de gardien de parking, est luthiste et chanteur oriental de cabaret, c’est
par la musique et le chant que sa part belle et secrète est dévoilée au
lecteur. Je traduis les paroles des chansons arabes vers le français et je
tente de transcrire les mélodies, les subtilités et le charme envoutant de
notre musique dans votre langue qui m’habite autant que ma langue maternelle.
J’ai l’intime conviction que l’art, la musique, la littérature et la poésie
viennent à bout de tous les malentendus : c’est une grâce qui nous
unit.
Il est possible que ce récit évoque également le tiraillement entre
deux cultures : celle originelle de Iteb et celle de son pays
d’accueil mais si je devais en délimiter un point nodal, je dirais que c’est
d’abord le droit à la différence : à défaut d’aimer l’autre parce que
nous sommes malheureux ou pas assez généreux ou par peur ou pour un tas
d’autres raisons, nous nous devons au moins de le respecter. Le mépris est le
sentiment le plus abject disait Sartre : il rabaisse celui qui le porte
et celui qui le subit.
Vous vivez à Tunis où vous enseignez, votre pays vit des moments
difficiles. A quelles menaces, les femmes Tunisiennes, considérées comme les
plus émancipées du Maghreb, sont-elles confrontées ?
J’aurais souhaité répondre à aucune menace mais il est vrai qu’il a fallu une
grande mobilisation pour préserver les acquis à un moment postrévolutionnaire
où nous pensions obtenir de nouveaux droits telle que l’égalité à l’héritage.
Aussi le fait que cette mobilisation ait porté ses fruits montre que dans sa
globalité la société tunisienne tient mordicus au progrès. Les difficultés
que connaît mon pays sont conjoncturelles, elles témoignent de tensions certes
réelles au sein de la société mais leurs résolutions dans l’ensemble sont
positives et aujourd’hui qu’elles sont l’objet d’un véritable débat de
société – et non plus le fruit de législations imposées par l’Etat- elles
seront, je pense, irréversibles.
Le programme
Jeudi 28 novembre
Au C2 à Torcy
20 h 30 : ciné-conférence de
la cinéaste Annabel Loyola
Vendredi
29 novembre
À 10 h : Animations à la
régie des quartiers du Creusot au Tennis. Fabrication de marionnettes
marocaines et paroles de femmes avec Halima Hamdame (conteuse et écrivain)
(Maroc).
À L’Escale, Le Creusot
Dans la salle : Stands librairie, Femmes solidaires,
exposition de peintures : Femmes d’Afrique d’Annick Bohec
(Sens) Annick Bohec (Sens).
14 h 30 : inauguration. 15h : Débat : « Être fille » avec Halima Hamdame, Sonia Chamkhi, Annick Bohec, et des
témoignages divers.
19 h 30 : musiques et chants
du monde : Le groupe « Pagaille » (Musique du Morvan), chansons
napolitaines (Emilio Armillès), la chorale Bella italiana, Fado et musiciens
portugais, démonstration d’instruments des 5 continents,
chanteuse franco-malgache.
Saveurs d’ici et d’ailleurs, buffet payant au choix (préparé par les
associations du Cambodge, du Maghreb et de Turquie). Entrée libre
Samedi
30 novembre
À l’Escale, Le Creusot
De 9 h 30 à 11 h 30 : calligraphie
japonaise et danse américaine jazz par Marisa Hayes, artiste
interdisciplinaire (USA). Inscription 5 € au 06.47.29.36.47.
À 15 h : débat : « La diversité réussie, ça existe ». Animé par Claude
Thomas. Témoignages divers et interventions de Sonia Chamkhi (Tunisie),
Brigitte Tsobgny (Cameroun).
En présence de Nasrine Zaïbi, vice-présidente de la région Bourgogne, chargée
de la jeunesse.
19 h 30 : Musiques & Danses du monde : Flamenco avec Viva
Flamenca, Danse orientale, Danses du Morvan (groupe Pagaille).
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