Le poids de la neige
De Christian Guay-Poliquin (Edition
la Peuplade-Québec)
(Prix France-Québec
2017, entre autres)
Prix France-Québec 2017 |
D’un style limpide, linéaire, au
vocabulaire accessible, Christian Guay-Poliquin, Québécois, nous décrit un
Robinson Crusoé des Neiges ou plutôt deux Robinson Crusoé, dans « Le poids de
la neige ».
Ce bon et beau roman, aux abords très
agréables, est rempli de symboles que nous verrons ultérieurement.
Le récit
Dans le grand Nord canadien/québécois,
non loin de la côte, un jeune homme, disons d’une trentaine d’années, absent de
son village depuis longtemps, revient revoir son père, ancien mécanicien.
Mais la neige est haute, le sol
glissant et, inévitablement, le véhicule se retourne, blessant grièvement aux
jambes, le conducteur.
Les secours ne peuvent venir que des
habitants du village. Or, beaucoup ont fui ces conditions apocalyptiques.
Néanmoins, on le délivre et, ironie
du sort, on le confie à un homme valide mais âgé, plutôt bourru, Matthias, étranger
au village dont le vœu profond est de repartir rapidement de ce lieu pour
rejoindre sa femme, en ville. C’est un peu donnant donnant. S’il sauve le
blessé, on l’aidera à repartir à la ville, visiter sa femme à l’hospice.
Dès lors, c’est un huis clos à deux
dans une maison réquisitionnée dont les propriétaires ont fui.
Le vétérinaire du village, improvisé
médecin, et Maria, la pharmacienne, à la féminité attractive, passent soigner
le blessé, donnent les médicaments nécessaires. Et, notons que la survie des
deux dépend de la distribution des rations alimentaires villageoises.
Enfermés qu’ils sont, se butant l’un
à l’autre, l’atmosphère est parfois électrique. Il y a du Sartre dans cet
épisode. Le huis clos est insoutenable. « L’enfer, n’est-ce pas l’autre ?».
Le drame ne tient qu’à un fil. L’instinct de survie ou le hasard, l’emporte. Le
jeune homme se rétablit. Le jeune homme à peine valide, les responsables villageois
le sollicitent pour réparer un engin tout terrain (il était autrefois mécanicien
avec son père). Pendant ce temps, en catimini, son compagnon et aide-soignant
obligé, prépare sa fuite, en accumulant vivres et essence.
Au hasard d’une partie de pêche,
comme Robinson découvrant des vivres, ce Robinson des neiges, déniche une
voiture, dans une maison abandonnée, en bonne état de marche et du carburant.
Comme son compagnon, penaud et dépité, a échoué dans sa fuite
solitaire, la délivrance pour eux deux, et en unissant leurs forces cette-fois-ci, viendra de ce véhicule, dès le dégel.
Ce roman dépouillé a plusieurs
mérites : montrer l’égoïsme de certains individus, devant l’incertitude
des lendemains, la solidarité affichée d’autres, l’attrait de l’élément féminin
dans un lieu isolé, l’intelligence et la ténacité de l’homme pour survivre et,
par-dessus tout, le « poids » énorme de la nature quand les éléments
de déchaînent.
Et que dire de la litanie de ces
prénoms : Joseph, Jonas, Jean, José, sorte de Je en miroir, car je est important, quand il faut sauver sa peau….
Et puis, ce beau roman touche à plusieurs
mythes et ouvre, de fait, plusieurs voies. Le plus évident celui de Robinson
Crusoé, isolé sur son île, puis, celui de l’arche protectrice de Noé avec la
maison engloutie par la neige, la théorie existentialiste du Huis Clos de
Sartre « L’enfer, c’est les autres »
et celui du Radeau de la Méduse où le radeau, ici, est un véhicule à essence.
Quoi qu’il en soit, en tissant son
roman autour du froid constant, de la férocité du
blizzard, de l’obscurité (l’électricité
étant coupée), de la souffrance et de la
solitude dans l’hiver canadien, n’est-ce pas un hymne à la neige, à la nature
hostile, que nous livre, ce jeune auteur québécois de talent ?
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Christian Guay-Poliquin est un jeune
écrivain québécois. Il est né en 1982 à Saint-Armand.
Après des études supérieures en
littérature à l’université du Québec à Montréal, il obtient une mention
d’honneur à la maitrise en Etudes littéraires.
Ce doctorant à l’université de
Champagne, publie Le fil des kilomètres (Ed.
La Peuplade), 1er roman remarqué par la critique et en 2017, un 2ème
roman, Le poids de la neige, qui remporte
aussitôt, entre autres, le prix de littérature des collégiens, Le prix
France-Québec et le Prix littéraire du Gouverneur général.
A l’évidence, un écrivain prometteur.
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