Mini tournée littéraire de Salma Kojok (Liban) en Bourgogne,
invitée par le Centre Francophonie de Bourgogne.
Juste
après les 6èmes Rencontres de la Diversité (28/29/30 novembre 2019), le Centre
Francophonie de Bourgogne, a accueilli , le jeudi 12 décembre 2019, l’écrivaine franco-libanaise, Salma
Kojok.
Une 1ère rencontre donc a eu lieu, le 12 décembre, à 14 h à la
Maison des familles de Torcy (71 France), petite ville jouxtant le Creusot et
la 2ème a suivi, à 20h30, à la BM de Saint Léger sur Dheune.
Gisèle et Marc, le couple de bibliothécaires bénévoles, nous ont accueillis, en leur domicile, pour un dîner très amical, au demeurant excellent. Et la soirée s'est achevée autour d'un verre de bourgogne du cru et de pâtisseries confectionnées par toute l'équipe des bibliothécaires bénévoles. Belle soirée conviviale autour de la littérature.
Gisèle et Marc, le couple de bibliothécaires bénévoles, nous ont accueillis, en leur domicile, pour un dîner très amical, au demeurant excellent. Et la soirée s'est achevée autour d'un verre de bourgogne du cru et de pâtisseries confectionnées par toute l'équipe des bibliothécaires bénévoles. Belle soirée conviviale autour de la littérature.
Rencontre-débat à la BM de Saint Léger sur Dheune |
Un public attentionné à la BM de Saint Léger |
Chaque
rencontre-débat était animée par Claude Thomas, le président du Centre
Francophonie de Bourgogne (CFB)
Ces deux rencontres ont porté sur le 2ème
roman de l’auteure « Le dérisoire tremblement des femmes ».
Roman qui, outre l’histoire de l’immigration libanaise en Afrique de l’Ouest, parle
aussi d’identité et d’exil. Beau roman réussi, «au style délicat, subtil et
souvent poétique » (Josyane Savigneau)
Voici une présentation du roman faite par le Centre Francophonie de Bourgogne
Le
dérisoire tremblement des femmes
De Salma Kojok (Liban)
Dans ce 2ème roman, l’auteure
libanaise revient sur l’histoire de l’immigration libanaise en Afrique de
l’Ouest. Alors que dans son 1er roman « La maison d’Afrique »,
le personnage central était un homme, dans « le dérisoire tremblement
des femmes », Salma Kojok met en scène deux femmes, la mère et la
fille.
Le récit
Ce sont
deux monologues. Dans une 1ère partie, la mère Doumia, s’adresse à sa fille,
Lamia, et lui raconte son histoire, leur histoire. Et dans la 2ème
partie, Lamia dévoile à sa mère, sur son lit de mort, ce qu’elle a sur le cœur.
Dès lors, ces deux récits en
miroir, prennent un tour dramatique et le lecteur découvre les affres de
l’existence que ces deux femmes ont dû endurer.
Cette histoire débute vers 1935,
entre les deux guerres mondiales, dans un petit village du sud du Liban,
Zrariyé, cher à l’auteur. Sur le chemin pierreux descendant au lavoir, Doumia,
alors jeune fille, est interrogée par sa mère, lui demandant si elle veut
partir en Afrique.
La veille, une femme du village, a un fils à marier, Farid ; il
fait sa vie en Côte d’Ivoire. Et cette villageoise demande à la mère si Doumia
ne pourrait pas être mariée à ce fils célibataire.
Pour la mère de Doumia, c’est un
déchirement, un tremblement interne. Seule, elle est seule. Son mari est mort
accidentellement et ses beaux-parents sont partis aussi. Son unique fille va
lui être arrachée. « Doumia est tout ce qui me reste… Doit-elle aller
si loin pour être femme ? ». Salma Kojok pointe, ici, du doigt ce
qui toujours a été le lot des mères, des femmes, le sacrifice et qui semble
dérisoire dans l’histoire de l’humanité.
Doumia se
retrouve donc en Afrique. Il faut s’habituer à un nouveau climat, à une société
différente, à une existence d’isolement car son mari, commerçant, est souvent
par monts et par vaux. La solitude lui pèse. Heureusement, il y a Rita, une
Libanaise comme elle, qui, par des souvenirs communs, lui adoucit son
existence.
Elle sera mère ;
cependant, Lamia, le nourrisson, supporte peu son lait insuffisant. Il faut
faire appel à une nourrice africaine, Bintou. Elle sera celle qui gave,
console, protège et Doumia se sentira exclue.
Autre désillusion : Alors
qu’elle s’est accoutumée à Grand Bassam, la capitale économique coloniale de la
Côte d’ivoire, Farid, son mari, décide d’emménager à Abidjan, la nouvelle ville
en expansion où son commerce sera plus lucratif.
Les voilà repartis avec nourrice et
enfant, mais la solitude demeure car Rita reste à Grand Bassam. Désillusion et
souffrance qui auront des répercutions psychosomatiques : léthargie,
pertes de sensations physiques, absence de règles qui fera qu’elle sera
désormais stérile.
Lamia, elle, vit sa vie. Elle va à
l’école, se mêle à la société africaine, apprend le français, s’ouvre à la
diversité. Sa mère ne parle bien que l’arabe ; elle comprend peu cette
langue du colonisateur que sa fille maîtrise parfaitement et désormais,
l’éloignement entre la mère et la fille viendra, entre autres, de la langue.
Salma Kojok, ne dit dit-elle pas que « la langue est un
pays » ?
Dans la 2ème partie,
Lamia s’adresse à sa mère sur son lit de mort. C’est un monologue en miroir. Sa
mère ne peut répondre.
Alors que sa mère a vécu plus ou moins
recluse, enfermée chez elle, Lamia moins complexée est attirée par le grand
large, car l’école, ses maitres, lui ont ouvert de nouveaux horizons.
Alors que sa mère a subi, a accepté presque tout, la
mort dans l’âme, Lamia se révolte, rencontre d’autres personnes, s’oppose à sa
mère d’une autre culture, toujours figée dans des traditions et
interdits, (« Ne fais pas, ça ne se fait pas »), engluée
dans des principes que des siècles d’obscurantisme et de religion ont
fossilisés.
L’époque est à la libération des
peuples et des esprits, aux idées révolutionnaires, à la liberté. Enfant de son
époque, Lamia va se libérer des contraintes familiales. Et deux personnes vont
lui servir de guide. Sa professeure de français, une humaniste attachée aux
libertés et un mulâtre, Marwan, de père libanais et de mère africaine. Et
Marwan, suivant l’exemple de Franz Fanon, va guider Lamia, qui dit, à juste
titre, que « l’homme est mélangé ». Doumia exclura Marwan de
son entourage, vu son origine, et ce racisme maternel sera la dernière coupure
entre la mère et la fille.
Au terme de son roman, Salma Kojok oriente
alors le lecteur vers l’importance du langage. Les mots constituent le langage
mais ce sont les mots qui forment un individu, qui modèlent l’être profond. Et
les mots selon les péripéties de l’Histoire évoluent, se gorgent de sens,
cachent des non-dits, des idées toutes faites, des révoltes salutaires.
Néanmoins, comme sa mère, Lamia
confie dans ce monologue pathétique qu’elle aussi a souffert de
l’incompréhension de sa communauté, de l’entre-deux cultures de sa mère,
toujours attachée au « là-bas », au « chez nous »,
au Liban, de telle sorte que Lamia exaspérée, lui lâchera, un jour :
« Mais c’est où chez nous ? »
Le drame que subira Lamia qui vient de
mettre au monde une petite fille, Leyla (la nuit en arabe), montre,
encore une fois, qu’être mère et femme est souvent une addition de souffrances
et de sacrifices que l’Histoire retient rarement.
Beau roman au style précis et
alerte. Salma Kojok, historienne de formation, nous dévoile l’immigration
libanaise en Afrique de l’Ouest depuis la fin du 19ème siècle. Et
surtout met, ici, en évidence, dans son 2ème roman, le destin
douloureux de cette immigration, côté femmes.
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1 commentaire:
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