2 avril 2021

 

                       La maison de Cicine  de Mohamed Nedali (Edition Le Fennec) (Maroc).

 

               H’Cine ou Cicine (7-8 ans) est le prénom du jeune frère d’Idar, le jeune sculpteur, un des personnages porteurs du roman.

              A l’évidence, Mohamed Nédali nous offre un livre d’une grande profondeur humaine avec ce 4ème roman.

              La pauvreté, la malchance (Allah ou le mektoub) pour beaucoup, annoncent la misère et l’exode rural vers les villes. Ici Marrakech.

             M’Barek, le père d’Idar et de H’Cine, tient un moulin à eau. Un jour, l’oued en cru emporte parents, maison, biens et berges et laisse deux orphelins.

             L’attrait de la ville comme bouée de salut les fait atterrir à Dar Louriki, un immeuble marraki, transformé en plusieurs chambres pour rentabiliser l’affaire.

             Idar sculpte et arrive tant bien que mal à survivre et le petit H’Cine rêve à la maison qu’ils auraient dû reconstruire si les autorités n’avaient pas interdit désormais toutes constructions sur les berges de l’oued.

            Un soir, Cheikh Océan de Savoirs, invité par deux locataires étudiants en théologie, débarque dans l’immeuble et tout s’en trouve bouleversé. Roulant en Mercédès noire flambant neuve, ce Cheikh va progressivement amener à la pratique religieuse intégriste tous les locataires. Avec beaucoup d’argent (magasins offerts) et des discours truffés à tout moment de sourates, du nom d’Allah et de son prophète, les locataires modifient leur comportement. Les femmes se voilent, prière commune le soir dans la cour de l’immeuble suivie d’un sermon d’une ou deux heures. Du lavage de cerveau en fait.

             Seuls deux locataires qui s’aiment, Leïla et Idar, restent réfractaires à cette vie intégriste, car ils ne veulent pas sacrifier leur amour comme on leur demande.

             Ce cheikh n’est pas si pur qu’il veut bien le laisser paraître et pour cacher son forfait à l’égard de Leïla, il incite les locataires manipulés à rendre la justice de Dieu contre les impies et les deux amants périront dans l’incendie volontaire de l’échoppe d’Idar.  Comme un leitmotiv, le petit H’Cine rappellera à son frère dans la tombe qu’ils auraient dû reconstruire leur maison.

            Roman fort, profondément humain.

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           Mohamed Nedali sait nous rendre sympathiques et attachants les petites gens. En opposition, sont repoussants tous ceux qui possèdent une parcelle de pouvoir : les gendarmes, les juges, les makzems, les autorités en général. Même le chauffeur du bus. Leur arrogance, leur suffisance, leur morgue, leur richesse affichée, donnent à toute autorité comme une sorte d’illégitimité.

           Bien détestables aussi ces religieux autoproclamés qui sous couvert de religion oppriment les petites gens et en réalité les exploitent et manipulent.                         Le critique Salim Jay qualifie Mohamed Nédali de Zola marocain. Ce n’est pas un terme usurpé. En tout cas, la littérature marocaine contemporaine compte désormais un auteur de talent.

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Citations :

(P.149) « Cheikh était un homme riche…Son apparence avait beau être simple et sobre, elle n’en dissimulait pas moins un certain nombre d’indices révélateurs d’une grande aisance matérielle : ses vastes gandouras noires en soie pure, ses babouches de daim finement travaillées, l’or massif de son gros anneau, le petit chapelet en ambre jaune toujours enroulé autour du poignet… »

(P. 237) « Que faire face aux liaisons illicites dans ce monde à l’envers, où le péché est une prouesse, le vice une vertu et Satan une idole ? Le Saint Livre et le hadith ont prévu une réponse à chacune de nos questions ! Face aux liaisons illégitimes, le grand messager nous recommande la fermeté et l’intransigeance : les adultérins, fouettez-les jusqu’à ce que mort s’en suive ! Le message est on ne peut plus clair…

  (Un étudiant) Si l’Etat ne fait pas appliquer la sante charia, c’est à nous de le faire.

(P.265) « Te voilà mort, toi aussi, dadda ! dit le petit H’cine, les yeux fixés sur la tombe de son frère. Mort comme papa et maman et lalla Zehra….Toi aussi, dadda,  tu es mort ! Pourtant j’ai pas arrêté de te dire : retournons chez nous, dadda ! Retournons au douar, dadda ! Allons reconstruire notre maison ! » 

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               Mohamed Nedali a enseigné le français au lycée de Tahannaout à 35 km de Marrakech (Maroc) où il demeure.

(Prix de la Mammounia)

(Prix atlas)

           

  








Mohamed Nedali a obtenu le prix 2009 de la diversité en Espagne (Barcelone). 

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