22 février 2022

LE Poète de Safi de Mohamed NEDALI (Maroc) (compte rendu)

 

                        Le Centre Francophonie de Bourgogne (CFB) a lu et

 aimé : « Le poète de Safi » (L’Aube édition/La croisée des

 chemins) du romancier marocain Mohamed Nedali.

                        La poésie peut-elle encore sauver le monde ? En tout cas, Mohamed Nedali semble en douter, la poésie étant souvent reléguée à un genre mineur ; et pourtant un mot, et tout est dit ou tout commence. La poésie a cette faculté. Elle résonne du cœur de l’homme et fonctionne comme un baume. Les mots porteurs de sens, les sons, les formes toujours renouvelées, se prêtent bien à l’expression des sentiments humains. Nos révoltes, nos manques, nos espoirs ont besoin d’une conque neutre et souple pour se déverser. L’auteur le démontre en rappelant les heures glorieuses de la poésie arabe ou arabo-andalouse. Et c’est bien ce que ressent Moncef, le personnage principal du 9ème roman de l’auteur.

                     Le récit : Moncef, un étudiant diplômé de l’université, fauché et un peu éméché, s’empare, à un moment de désespérance, du micro de la mosquée du quartier de H’rait l’bid de Safi et déclame un de ses poèmes dont le couplet se répète ainsi : « Peuple borné peuple ignare, réveille-toi ! Sors de ta léthargie ! Reviens à la vie ! Renais au monde ! ». C’en est trop pour les « frérots », désoeuvrés dans la rue ; c’est comme si un dard les avait soudain piqués à vif. La hargne islamiste s’exprime, il faut châtier l’impudent. Abou Soufiane, un islamiste, un ancien petit voyou délinquant, (plus croyant que moi tu meurs!!!), harangue ses affidés et les voilà qui accourent à la mosquée. Le muezzin a déjà attrapé au collet l’impudent quand le châtiment peut enfin commencer et les coups pleuvoir, heureusement arrêtés par l’intervention de la police.

                    Moncef est mis en cellule et c’est là qu’a lieu un épisode surréaliste entre un policier assez paterne mais qui ne comprend pas tout et l’inculpé cultivé. L’humour de l’auteur peut s’exprimer.

                   Si Moncef s’échappe des mains de la prison, la chasse à l’homme des islamistes ne fait que commencer et Moncef doit se cacher. Un bref passage dans la maison de son père âgé qui s’abime à nouveau dans la religion et ses reproches, lui indiquent qu’il n’est en sécurité nulle part.

                  Heureusement ses copains, Saïd et Najib, aussi démunis et sans espoir sur leur propre avenir, lui viennent en aide. Grâce à des contacts au port de Safi, Moncef peut s’embarquer sur un bateau en partance pour la Chine et se faire oublier quelque temps.

                 Mohamed Nedali, encore une fois, pose son regard ici et là sur la société marocaine, l’esprit où il veut et la pensée libre. Et se sert d’un fait réel ancien.


                      L’action se déroule à Safi, dans une ville qu’il connait bien pour y avoir passé ses vacances et y posséder de la famille. Il est donc dans son élément.

                   « Le poète de Safi », en fait, ne se cantonne pas au déclin de la poésie, ce roman pointe encore une fois chez l’auteur deux maux de la société marocaine, l’avenir de sa jeunesse et l’obscurantisme religieux, et par contre coup, l’immigration des jeunes marocains. Voilà des jeunes qui se sont formés avec bien des difficultés matérielles et qui sur le marché du travail vivent à la marge. On comprend que désabusé, voire révolté, Moncef en arrive à la provocation ; et c’est dire à la face du monde : « Arrêtez de nous parler du paradis et des hypothétiques myriades d’houris, on n’en peut plus, on veut vivre et profiter de notre vie, car on n’en a qu’une ».

                    L’obscurantisme religieux va de pair avec l’ignorance et plombe une société qui a besoin d’espoir, d’ouverture, de partage et non d’anathèmes, de menaces et de contraintes. L’intégrisme a existé par période dans toute société. Le grand Molière en son temps châtiait par le rire et le ridicule, l’imposture des faux prophètes et l’enthousiasme des adeptes aveuglés ; Mohamed Nédali le fait par l’humour. 

                   Si dans religion, il y a relire, il y a aussi relier. Relier les femmes et les hommes dans une société épanouie, dans la tolérance et la solidarité.

                  L’auteur illustre aussi, par contre-coup, une des causes de l’immigration de la jeunesse marocaine.

                  Bon roman, style alerte, un regard lucide sur le Maroc contemporain.

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Les derniers romans de l'auteur :








 

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