Le Centre Francophonie de Bourgogne (CFB) a lu, apprécié et
recommande :
« L’amante religieuse » de Nadia Essalmi (Maroc)
(La Croisée des chemins édition)
"Les vies sont des embarcadères où nous appareillons sans savoir l’arrivée"(Colette Nys-Mazure) (Belgique)
Nadia Essalmi, éditrice des éditions jeunesse Yomad (Rabat), infatigable
militante du livre, membre du Parlement des femmes écrivaines, initiatrice du
Festival littératures itinérantes, au Maroc, nous offre ici 10 nouvelles.
10
nouvelles au style clair, au vocabulaire précis, aux titres volontairement
polysémiques.
Empreintes d’humanisme et de
conviction, ces 10 nouvelles portent un regard lucide sur les manques d’une
société en mouvement, des mots justes sur des maux réels. Et l’auteure traduit
magnifiquement bien ce que ressentent ses personnages.
On
notera que le « je » est souvent employé comme pour faire sienne ce
qu’elle décrit, comme un témoignage en son âme et conscience.
Le CFB en a retenu 9.
Le
je(jeu) de l’enfant.
Elle
a 8 ans ; sa mère va se marier pour la 1ère fois. Elle est
joyeuse ; elle va avoir un papa. Mais… enfance bafouée, corps souillé,
avenir brisé ; le plongeon dans l’abject. L’inceste est passé par là.
Le
corps à corps
De
l’avis général, c’est un beau garçon ; mais ce corps parle, pousse et se sent fille.
Quoi qu’on fasse : désaveu des parents (surtout du père), moquerie des
copains, pression sociale permanente, la nature est impérative. Seule issue,
partir ailleurs et vivre en accord avec lui-même. Et avant la séparation sans
retour, à l’aéroport, un aveu d’amour sincère à sa mère : « Je
suis une fille. Je t’aime » (p.31).
L’amante religieuse
L’hymen, ce bien si précieux ; la
virginité, névrose et honneur des mères, étalon impitoyable de bien des
sociétés toutes confondues.
Sportive assidue et décomplexée,
lectrice passionnée où la liberté est une réalité, cette belle jeune fille
subit les interdits d’une famille conservatrice qui réprime toute liberté et
fait des hommes des ennemis. A l’adolescence, la séduction gratuite servira
d’exutoire…
Sois
belle-mère et tais-toi !
Ils s’aiment malgré leur culture différente.
Une mère ne veut pas partager son fils ; elle simulera malaise et
mal-être. Un divorce à venir inévitable. Deux destins cabossés.
En
chœur
Elle est musulmane, lui est juif.
L’amour vrai par de-là les préjugés. Hélas, « Dans les familles, la
colère gronda comme un volcan » (p.73). Mais grâce au destin
impitoyable, ils s’aimeront d’un amour éternel, en cœurs et en chœur.
Droit
dans le mur
Que vit un enfant derrière les murs d’un
bidonville ? L’enfermement, le manque, la promiscuité, puis avec l’école
obligatoire, l’ouverture au vrai monde, le sentiment d’injustice et, à
l’adolescence, la révolte, la dérive et peut-être l’exil.
La
fille du pauvre.
Elle étudie bien, l’avenir lui sourit mais son père est malade et il faut payer avant d’être soigné. Pas les moyens. Un inconnu avance les soins. Un destin piégé par un « très généreux donateur » qui exige contrepartie. Avenir sacrifié et plongeon dans le déshonneur.
Le
coucher de l’aube
Cette nouvelle dure, au titre en oxymore
(sens contraire), voit une fille enfant qui mendie dans la rue, avec son bébé
dans les bras. C’est l’histoire récurrente du mariage forcé de fillettes, le
visage de la pauvreté (pour 2 vaches et une chèvre (p.119)). Viol conjugal à
répétition et légal. Deux enfances brisées, un avenir difficile à recoudre…
Lucy Mushita (Zimbabwé), romancière, traite
longuement ce sujet dans « Chinongwa »
Derrière
le voile
Le père a trouvé un travail en
France ; la famille suivra. Sortie de la pauvreté assurée. Avenir radieux
en vue. Banlieue Est de Paris, logement exigu d’abord, puis HLM ; les
garçons désoeuvrés « tiennent les murs ».
Seule de cette famille immigrée, la
sœur qui aime lire et réussit à l’école, envisage un avenir prometteur. Le
grand frère, endoctriné par la mosquée proche, s’autoproclame gardien
pointilleux de la vraie croyance. Ce tyranneau du foyer cible sa sœur :
insultes, menaces, coups répétés et sous la contrainte, obligation de porter le
voile dans la rue.
Mais
cette sœur, le bac en poche, fera appliquer la loi
et retrouvera liberté et dignité ; son bourreau de frère une fois sous les
verrous…
Commentaires
du CFB
Comme A. Serhane, Mohamed Nedali et
bien d’autres intellectuels marocains, Nadia Essalmi ausculte la société du
pays où elle vit et qu’elle aime. Il y a dans cette démarche du Victor Hugo, du
Zola. Quelque chose de sain et prometteur dans ce
regard. C’est signe qu’une société vit, bouge, évolue, par à coup certes, mais
avance. Tous les pays en sont là et aucun pays n’est parfait.
Néanmoins
une constante, ce sont les artistes, les écrivains, les associations de femmes principalement
qui font évoluer la société civile, peu/pas les religions. Les partis
politiques quant à eux, suivent en trainant les pieds. Il y a encore des Bastille
à abattre et cela passe par la lecture, l’éducation de masse, l’étude et le
partage. « Le livre, c’est comme semer des graines » (N.E.)
C’est ce vers quoi Nadia Essalmi nous
convie.
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Autre
ouvrage de Nadia Essalmi, « la révolte des rêves » (Virgule
édition) (2018) au fonds francophone du CFB qu'ira rejoindre « L’amante
religieuse ».
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