Le Centre Francophonie de Bourgogne (CFB) a lu et aimé : Le trio bleu (Présence Africaine édition) de Ken BUGUL (Sénégal)
Voici un roman profond qui pointe du doigt sans concession ni langue de bois, les dérives institutionnelles et morales partout sur la planète.
Ken Bugul, la romancière sénégalaise, nous embarque dans une odyssée de la déshumanisation, de la rage de vivre et de la résilience.
Les trois personnages du « Trio bleu « : Goora (Jolof/Afrique), François (France) et Suleiman (Syrie/Irak) ont, chacun à leur manière, vécu dans leur chair et leur âme, l’injustice et la violence de leur société respective.
Goora, le personnage principal, le fil rouge du roman, nous dévoile ce que vivent des millions d’émigrés.
L’exil part d’un rêve. Car l’avenir au pays (qui peut être n’importe quel pays africain) est claquemuré ; la situation locale devient si fermée et insupportable à vivre qu’il faut fuir et gagner l’endroit tant espéré d’une vie meilleure, en l’occurence (Réewna/L’Europe)
Le périple est semé d’embûches et la mort omniprésente. Si l’exilé a la chance de survivre aux rackets, humiliations, rançonnement, esclavage et dangers de toute sorte, quand, nourri d’espoir, il atteint enfin les lueurs de Réewma, Réewma « se cadenasse ». Et long le moment où la vie sera enfin supportable. Car, à nouveau, pour l’exilé, même vivant dans Réewma, les humiliations, exploitations et déconsidérations restent, hélas, la règle.
Mais la nature humaine est résistante surtout lorsque l’espoir et le désir d’aider les siens demeurés au pays, restent chevillés au corps.
C’est un merveilleux message d’espoir, le rêve d’une vie meilleure, ailleurs, que nous livre Ken Bugul et pourtant rien n’épargne les sociétés, toutes les sociétés : les langues déliées /les commérages perfides, le système pervers : les multinationales, les régimes corrompus, l’attrait de l’argent ou de la considération plombent le vie des gens.
Goora retrouve deux autres personnes cabossées par la vie : Goora est victime de l’incompétence des dirigeants de son pays ; François, victime d’une erreur judiciaire a été emprisonné injustement et Suleiman arrive, abîmé psychologiquement par le déchainement de la violence aveugle et impitoyable, au Moyen Orient, mais c’est un poète sensible et généreux.
L’espoir pour Goora, c’est son projet de construction de sa villa à Bân-Ndool, au pays et le rêve de se marier avec Joojo, « la plus belle fille du monde ».
Mais, le retour, tant attendu au pays, est fait de désillusions. Le pays a changé, l’image qu’il se faisait des lieux n’existe plus, l’oncle a trahi, Joojo a vécu sa vie de son côté et l’émigré est adulé par ce qu’il apporte. Le rêve de la considération est factice et douloureusement, la vie qu’on s’est construite, là-bas, à Réewma, redevient la seule.
Quoi qu’il soit, le projet de villa et le rêve de Joojo ont aidé Goora à tenir le coup et à grandir.
Ken Bugul nous trace trois personnages qui se reconstruisent. Goora aidera sa tante et fera sa vie en Europe ; François s’ouvrira à la poésie et à la beauté grâce à Suleiman qui aura besoin de l’attention des deux autres pour vivre. Et une constante dans ce roman, Ken Bugul rappelle que personne ne se réalise sans formation ni culture.
Un roman humaniste de grande lucidité.
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Ken BUGUL est une écrivaine majeure de la littérature africaine. Parmi ses publications, on notera « Le baobab fou », « Riwan ou le chemin de sable » (Grand Prix de littérature de l’Afrique Noire), « Cendres et braises », « De l’autre côté du regard », ou encore, « Cacophonie ». Autre particularité, son souci permanent du rôle et de la place des femmes.
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Le Centre Francophonie de Bourgogne espère pouvoir accueillir Ken BUGUL, pour une mini tournée littéraire en Bourgogne.
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