30 juin 2022

Rayonnements (Leméac éditions) (Québec) De Ying CHEN (Chine/Canada) (Prix Ringuet 202

 

              "Rayonnements" (Leméac éditions) (Québec)

   de Ying CHEN (Chine/Canada) (Prix Ringuet 2021)

               "Rayonnements", le dernier roman de Ying Chen, auteure sino canadienne, revisite la vie d’une scientifique immigrée en France ; ce peut être Marie Curie.



                "Rayonnements" reprend la vie cette scientifique d’exception, et accessoirement celle de Pierre Curie, le mari et aussi de leur fille Irène, trois scientifiques attachées à découvrir les particularités de l’atome(radium) d’avant la 1ère guerre mondiale.

                Ce n’est pas une biographie à proprement parlé. Ying Chen laisse libre court aux souvenirs d’Irène, leur fille aînée, qui s’exprime à la 1ère personne, sur sa mère à laquelle, on le sait, elle était très attachée et aussi son assistante. C’est un monologue, mais un monologue du royaume des morts. C’est bien connu, un mort voit tout, sait tout, n’est plus attaché au réel et il peut donc tout dire.

                Irène revient sur la découverte scientifique de ses parents en soulignant leur satisfaction et leur regret. Leur découverte (les rayons X) est un progrès pour l’humanité dans bien des domaines (santé, industrie, etc…) mais en même temps un danger s’il est utilisé comme arme. Regret prémonitoire.

                Puis, Irène pointe le déchirement intérieur de sa mère. Expatriée venant de Pologne, installée en France, brillante scientifique. Tiraillement classique des expatriés, être ici, mais le cœur et les souvenirs, là-bas. Nostalgie du déraciné et en même temps, force intérieure pour construire un monde meilleur pour ses enfants. Marie qui a déchaîné les colères nationalistes de l’époque, a subi le rejet, les insultes, la haine, les menaces, a éprouvé la peur et a dû s’enfuir et se cacher, pour protéger ses enfants.

          Remarques : Ying Chen se sert de la mémoire des morts. Procédé original, peut-être dû à l’influence de la tradition bouddhiste où l’autel des ancêtres partage la vie des vivants.

          Abordant le racisme, il est possible que Ying Chen qui vit à Vancouver, veuille rappeler le racisme antichinois qui sévit dans cette ville de l’ouest canadien.

          Rayonnements est un titre polysémique : rayonnement de cette scientifique d’exception, rayonnement de cette femme exceptionnelle (1ère femme ayant reçu un prix Nobel (physique) et même deux avec celui de chimie ensuite) et tout simplement rayonnement meurtrier de l’atome (le radium ici) qui lui aura coûté la vie.

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Citations

(p.27) « Dans la très courte durée de notre existence consciente, par rapport à l’infini écoulement du temps, personne ne peut prétendre tout voir, ne peut espérer tout vivre, ne devrait juger l’autre avec trop de certitude. »

(p.33) « Alors toutes les chimères sur l’identité, toutes les chasses aux étrangers ou au contraire les charités qui les ciblent, tous les pour et les contre quant au traitement qu’on réserve aux gens comme nous, se renouvelleraient encore pour dix mille ans, mais ce sera sans nous car cela ne nous concernera plus »

(p.34) « Il est vrai que, dès qu’on devance un peu la longe marche du temps ou que l’on s’écarte un peu de sa trajectoire, on rencontre plein d’obstacles sur lesquels on se brise. »

(p.43) « On ne peut pas reculer devant le savoir. Le désir de connaitre est aussi fort que tout autre désir. »

(p.86) « c’est l’époque qui nous invente. Pas l’inverse »

(p.87) « Chaque génération reçoit du bon et du mauvais de ses aïeuls. On ne peut pas tout donner ni tout avoir, laissons les jeunes faire le ménage, laissons-les inventer, détruire et réinventer »

(p.89) « l’essentiel est invisible. Il est aussi inexprimable »

(p.90) La vie de maman et ma propre vie me montrent clairement, de façon inéluctable, qu’il y a bel et bien un mur entre homme et femme, parmi d’autres murs en parallèle et même en superposition ». (Irène la fille de Marie Curie)

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Ying Chen est née à Shanghai. Diplômée en langue et littérature françaises de l’Université Fudan à Shanghai, elle s’est installée à Montréal en 1989, où elle a obtenu une maîtrise en création littéraire de l’Université McGill. Elle a publié une douzaine de romans, deux essais, dont La Lenteur des montagnes (Boréal, 2014).

 

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