17 janvier 2017

                                   Avant la pluie
                      D’Anne–Claire Decorvet (Bernard Campiche édition Suisse)

            Super roman à la construction originale.
            Les  personnages successifs font évoluer le récit et le lecteur découvre l’histoire selon le principe du saut de mouton ou passage de témoin, car la question que le lecteur se pose et la mère de l’enfant surtout, comment cet enfant autonome a-t-il pu se faire happer par une voiture ?
           Anne-Claire Decorvet a découpé son récit  en suivant les 4 saisons. Il commence en été et se termine au printemps.
           L’auteure donne, tour à tour, la parole à des personnes qui ont un lien avec l’enfant, soit avec les lieux, soit avec des connaissances de la famille ou du meurtrier.
           Le 1er personnage est un étudiant en médecine, Axel. Il assiste  en témoin impuissant, à l’opération/sauvetage du petit Olivier, l’enfant renversé par une voiture. Pour lui, c’est horrible et le médecin chef lui fait découvrir le quotidien de la médecine opératoire.
          Ensuite vient le témoignage du père, Grégoire, un comédien en tournée qui se trouve loin du drame.
          Puis, Anne-Claire Decorvet donne la parole à d’autres personnages, plus ou moins centrés sur leur propre sort, comme la comédienne Candice, passablement névrosée ou plus original, à un toutou.
          Mais le fonds de l’histoire se dévoile à travers le récit du jeune délinquant, Gaëtan, celui qui a fauché Olivier avec la voiture de Rachid. Comme rien n’est simple, Gaëtan est manipulé par Rachid, un petit truand qui fait chanter d’autres jeunes et se trouve, lui-même, sous la coupe d’un gros bonnet, sur trafic de drogues.
          L’automne, la 2ème partie,  se profile avec la chute des feuilles et débute par le monologue de la vieille voisine, Violette, femme très curieuse et esseulée, au comportement pour le moins bizarre, voire désaxée.
         Puis défilent des personnages fort astucieusement : Lydra, la policière qui sait bien des choses mais ne peut le prouver, Idriss, le jeune employé des postes, que fait chanter Rachid, et encore Hamid, le grand père de Gaëtan, désormais 
en prison, et qui vient demander pardon à Emma, la mère d’Olivier, pour la faute de son petit fils.
        Le point culminant de cette 3ème partie, intitulée hiver, la saison la plus triste et déprimante, c’est la prise de parole d’Emma, mère brisée, qui cherche, sans cesse, un indice qui dévoilera le pourquoi de ce dramatique et inexpliqué accident. Emma en est certaine, son cœur de mère le sait; il y a bien, un fait, un geste, une raison, un enchaînement, un hasard qui a provoqué la mort de son enfant. Jeune enfant qui savait où et quand traverser à un feu rouge. Pourquoi lui, a t-il été happé, et pas les autres piétons qui attendaient?
        Le roman s’achève par le printemps, symbole de renouveau, de renaissance  ou de connaissance des faits. C’est Olivier, l’enfant victime qui   s'exprime par : « Quant j’avais 6 ans, j’ai mouru ». Et enfin, on découvre la vraie raison du drame.
       Tout le récit avance au rythme de la pluie, d’où le titre « Avant la pluie ». Phénomène météorologique fréquent sur les bords du lac de Genève où se passe l’action ou tout simplement symbole de la pluie qui lave, rafraîchit, revigore….
      Beau style, descriptions précises avec des métaphores puissantes,  inédites et appropriées, phrases percutantes souvent poétiques.
    Un plaisir de roman.
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Anne-Claire DECORVET
                                   Licenciée ès lettres, enseignante de français à Genève, Anne-Claire Decorvet a reçu le prix Georges-Nicole 2010 pour son ouvrage, En habit de folie, lequel a été suivi, en 2014, par L’Instant limite (Prix Pittard de l’Andelyn 2015). Le roman, Un lieu sans raison, a été publié en 2015 (roman réédité en camPoche en  2016), (Prix Édouard-Rod 201; Prix du Public de la RTS 2016; Prix Lettres frontière 2016). 

 Citation
         « J’ignorais qu’il en va de l’amour comme du théâtre, où l’on acquiert au fil du temps la chair et l’intensité qui nous rendent infiniment meilleurs. Au contraire, je croyais consommer une marchandise à durée limitée. Mon amour était une boite à bonbons dont je ne me goinfrais jamais  sans redouter mon appétit. La boite allait s’épuiser, le niveau baissait, je le savais, je le sentais. Ma gourmandise illimitée neutraliserait le manque et l’amour ne se renouvellerait pas. Je voyais fondre avec terreur le sucre éphémère. Grégoire était l’homme de ma vie, mais je n’étais pas la femme de la sienne ! » (p. 43)


                                    

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