16 mars 2023

« L’amante religieuse » de Nadia Essalmi (Maroc) (La Croisée des chemins édition)

 

Le Centre Francophonie de Bourgogne (CFB) a lu, apprécié et

 recommande : 

                   « L’amante religieuse » de Nadia Essalmi (Maroc)

                                                           (La Croisée des chemins édition)


                  "Les vies sont des embarcadères où nous appareillons sans savoir l’arrivée"(Colette Nys-Mazure) (Belgique)



          Nadia Essalmi, éditrice des éditions jeunesse Yomad (Rabat), infatigable militante du livre, membre du Parlement des femmes écrivaines, initiatrice du Festival littératures itinérantes, au Maroc, nous offre ici 10 nouvelles.


         10 nouvelles au style clair, au vocabulaire précis, aux titres volontairement polysémiques.

        Empreintes d’humanisme et de conviction, ces 10 nouvelles portent un regard lucide sur les manques d’une société en mouvement, des mots justes sur des maux réels. Et l’auteure traduit magnifiquement bien ce que ressentent ses personnages.

        On notera que le « je » est souvent employé comme pour faire sienne ce qu’elle décrit, comme un témoignage en son âme et conscience.

 Le CFB en a retenu 9.

Le je(jeu) de l’enfant.

          Elle a 8 ans ; sa mère va se marier pour la 1ère fois. Elle est joyeuse ; elle va avoir un papa. Mais… enfance bafouée, corps souillé, avenir brisé ; le plongeon dans l’abject. L’inceste est passé par là.

Le corps à corps

          De l’avis général, c’est un beau garçon ; mais ce corps parle, pousse et se sent fille. Quoi qu’on fasse : désaveu des parents (surtout du père), moquerie des copains, pression sociale permanente, la nature est impérative. Seule issue, partir ailleurs et vivre en accord avec lui-même. Et avant la séparation sans retour, à l’aéroport, un aveu d’amour sincère à sa mère : « Je suis une fille. Je t’aime » (p.31).

 L’amante religieuse

          L’hymen, ce bien si précieux ; la virginité, névrose et honneur des mères, étalon impitoyable de bien des sociétés toutes confondues.

          Sportive assidue et décomplexée, lectrice passionnée où la liberté est une réalité, cette belle jeune fille subit les interdits d’une famille conservatrice qui réprime toute liberté et fait des hommes des ennemis. A l’adolescence, la séduction gratuite servira d’exutoire…

Sois belle-mère et tais-toi !

          Ils s’aiment malgré leur culture différente. Une mère ne veut pas partager son fils ; elle simulera malaise et mal-être. Un divorce à venir inévitable. Deux destins cabossés.

En chœur

          Elle est musulmane, lui est juif. L’amour vrai par de-là les préjugés. Hélas, « Dans les familles, la colère gronda comme un volcan » (p.73). Mais grâce au destin impitoyable, ils s’aimeront d’un amour éternel, en cœurs et en chœur.

Droit dans le mur

         Que vit un enfant derrière les murs d’un bidonville ? L’enfermement, le manque, la promiscuité, puis avec l’école obligatoire, l’ouverture au vrai monde, le sentiment d’injustice et, à l’adolescence, la révolte, la dérive et peut-être l’exil.

La fille du pauvre.

        Elle étudie bien, l’avenir lui sourit mais son père est malade et il faut payer avant d’être soigné. Pas les moyens. Un inconnu avance les soins. Un destin piégé par un « très généreux donateur » qui exige contrepartie. Avenir sacrifié et plongeon dans le déshonneur.

Le coucher de l’aube

       Cette nouvelle dure, au titre en oxymore (sens contraire), voit une fille enfant qui mendie dans la rue, avec son bébé dans les bras. C’est l’histoire récurrente du mariage forcé de fillettes, le visage de la pauvreté (pour 2 vaches et une chèvre (p.119)). Viol conjugal à répétition et légal. Deux enfances brisées, un avenir difficile à recoudre…

      Lucy Mushita (Zimbabwé), romancière, traite longuement ce sujet dans « Chinongwa »

Derrière le voile

        Le père a trouvé un travail en France ; la famille suivra. Sortie de la pauvreté assurée. Avenir radieux en vue. Banlieue Est de Paris, logement exigu d’abord, puis HLM ; les garçons désoeuvrés « tiennent les murs ».

        Seule de cette famille immigrée, la sœur qui aime lire et réussit à l’école, envisage un avenir prometteur. Le grand frère, endoctriné par la mosquée proche, s’autoproclame gardien pointilleux de la vraie croyance. Ce tyranneau du foyer cible sa sœur : insultes, menaces, coups répétés et sous la contrainte, obligation de porter le voile dans la rue.

         Mais cette sœur, le bac en poche, fera appliquer la loi et retrouvera liberté et dignité ; son bourreau de frère une fois sous les verrous…

Commentaires du CFB

          Comme A. Serhane, Mohamed Nedali et bien d’autres intellectuels marocains, Nadia Essalmi ausculte la société du pays où elle vit et qu’elle aime. Il y a dans cette démarche du Victor Hugo, du Zola. Quelque chose de sain et prometteur dans ce regard. C’est signe qu’une société vit, bouge, évolue, par à coup certes, mais avance. Tous les pays en sont là et aucun pays n’est parfait.

        Néanmoins une constante, ce sont les artistes, les écrivains, les associations de femmes principalement qui font évoluer la société civile, peu/pas les religions. Les partis politiques quant à eux, suivent en trainant les pieds. Il y a encore des Bastille à abattre et cela passe par la lecture, l’éducation de masse, l’étude et le partage. « Le livre, c’est comme semer des graines » (N.E.)

       C’est ce vers quoi Nadia Essalmi nous convie.

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      Autre ouvrage de Nadia Essalmi, « la révolte des rêves » (Virgule édition) (2018) au fonds francophone du CFB qu'ira rejoindre « L’amante religieuse ».

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