28 novembre 2023

« Les femmes de Bidibidi » de Charline EFFAH (E. Collas édition)

           Le Centre Francophonie de Bourgogne a lu et beaucoup aimé :

« Les femmes de Bidibidi » de Charline EFFAH (E. Collas édition)



                                                   

Lire « Les femmes de Bidibidi » de la romancière franco-gabonaise, Charline EFFAH, c’est s’exposer à recevoir en pleine figure, une gifle magistrale, tant nous frappe la détresse de femmes en fuite, la peur au ventre, à l’errance incertaine.
L’écrivain Patrick Deville avance dans « Perte et choléra » (Seuil) qu’écrire une vie, c’est jouer du violon sur une partition. Avec « Les femmes de Bidibidi », roman/puzzle, Charline EFFAH compose une symphonie amère dont il ressort un tempo, la dignité et la fierté de ces femmes meurtries et toujours debout.
Le récit
Tout commence par Minga. Banlieue parisienne. Un couple se sépare ou plutôt, la mère, Joséphine Meyer, infirmière, fuyant les violences familiales répétées, abandonne un matin, son mari et sa fille, Minga pour vivre sa vie au-delà de ses blessures. Le père élève seul, sa fille qui dira « Ma mère était mon Eurydice, ma vie » (p.37) ; les blessures de la mère vont alimenter les blessures de la fille.
A la mort de son père, Minga découvre, dépitée, les lettres que sa mère lui envoyait et jamais remises par son père, lettres toute emplies d’affection et de tendresse. Dès lors, Minga part à la recherche de cette mère qui lui a tant manqué.
De contacts en sièges d’ONG, Minga apprend que sa mère a exercé au camp de Bidibidi. Un camp immense au Nord de l’Ouganda, de réfugiés, principalement de femmes et d’enfants qui ont fui les atrocités de la guerre fratricide au Soudan du Sud, nouvellement indépendant, victimes de la concupiscence des puissants. (L’auteure s’est rendue sur place en personne).
Le camp géré par une Agence de l’ONU est divisé en villages numérotés. Sa mère est intervenue au village 10, géré par un certain Moïse, réfugié aussi. Et c’est Véronika, la femme de Moïse, qui reconstitue la présence de cette infirmière dévouée à ces femmes.
Et voilà Jane, une femme seule, qui survit et dont profite, Osana Deng, un commerçant sans scrupule et surtout, il y a Rose Akech, arrivée seule, les seins gorgées de lait. Rose est brisée ; elle cache/porte un lourd secret ; un geste courageux pour préserver ses jumelles d’un monde si périlleux. A l’exemple de la Reine Pokou, jetant son bébé dans le fleuve pour sauver son peuple.
Quand Chadrac, le mari de Rose, un milicien ayant du sang sur les mains, vient la rejoindre et veut reprendre son emprise sur elle, elle décide de fuir à nouveau.
Joséphine Meyer, l’infirmière, d’abord réticente, accepte de sortir Jane et Rose du camp, (chose interdite), et Osana qui voit sa proie lui échapper, donne l’alerte. Et les pages qui relatent cette fin dramatique prennent une autre dimension : les mots, le phrasé, le rythme nous transportent dans un autre monde. Le Bien l’emporte sur le Mal, le réalisme magique apparait. Et Rose, au nom de toutes les femmes, retrouve, énergie, courage, rébellion et dignité.
Roman d’une grande intensité, ponctué par les lettres de la mère à sa fille. Le « je » est souvent utilisé car l’auteure y dissout une part d’elle-même. On ne sort pas indemne après une telle lecture.
Réflexions profondes qui touchent à l‘humain.
Nous quitterons à regret ce roman par trois citations de portée universelle :
« La femme est un mystère… Ces femmes sont des bâtisseuses de rêve » (p.79). « L’oubli est frère du déni, la pire offense pour une femme battue » (p.11) et en guise d’épilogue (p.214) : « Si tout ce qui est brutal nous brise, chaque tragédie recèle en elle son lot de promesse ».
Un roman marquant à ne pas manquer.
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A noter les deux autres romans marquants de l'auteure : "N'être" et "la Danse de Pilar". Une littérature de qualité.









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