18 février 2009

Quatre questions à Mohamed MELLAL, poète, chanteur, peintre et caricaturiste.




MALLAL site officiel

1) En tant qu'artiste marocain, qu'attends-tu de la francophonie ?
En tant qu’artiste marocain, j’estime que la francophonie est notre fenêtre sur le monde moderne. L’utilisation de la langue arabe nous a laissés en arrière, car l’introduction de cette langue en Nord-Afrique et dans d’autres régions n’a pas été un choix des habitants. L’idéologie a joué un rôle prépondérant dans l’élimination des langues maternelles, des coutumes et des traditions.
La pensée scientifique n’a jamais été traduite en arabe, donc l’accès à la technologie et à la science, ne peut se faire qu’à travers d’autres langues. La plus proche selon moi est le français. Notre langue amazighe se complète très bien avec le français, l’arabisation de l’enseignement a classé notre pays parmi les derniers sur le plan mondial.
Je souhaite que le parti Alistiqlal qui gouverne actuellement, oublie sa dernier proposition d’arabiser le quotidien des marocains (quelle stupidité !).
Seule la langue Française peut nous délivrer de cette idéologie islamique
Et nous mettre sur la voie du développement au niveau économique, philosophique et scientifique.
L’arabisation nous tire vers le bas.


2) Tu es poète et peintre, peux-tu nous dévoiler ce qui guide tes textes, tes peintures ?

J’ai baigné dans la poésie et la peinture depuis mon enfance. Pourtant notre petit village « Tamlalte » (la gazelle) est resté, dès les années 60 jusqu’en 1976, isolé de toutes relations avec l’extérieur; en effet, la route passait loin de notre village, au sud-est du Haut Atlas. Les habitants vivaient des maigres récoltes de leurs jardins (champs). Je n’ai jamais vu personne peindre, jouer de la guitare ou écrire des poèmes, pourtant j’ai commencé à dessiner et à colorer mes dessins avec des plantes sur divers supports avant d’aller à l‘école. Lorsque j’ai eu 8 ans, mon père, qui travaillait dans une mine à Ouarzazate, m’a apporté une petite guitare. Cela a été mon premier jouet.
La beauté du paysage de notre village, l’absence du bruit des véhicules (les enfants de ma génération n’ont jamais vu une voiture ou un camion avant l’âge de 14 ans), ainsi que le temps passé à jouer au bord du fleuve, « le Grand Dadès » qui passait devant la maison, ont marqué toute ma création artistique et le fait encore. Ensuite avec les cours d’histoire à la Faculté, j’ai pris conscience des dangers que courrait notre langue et notre culture Amazighe (berbère).
Il y a d’autres choses qui peuvent aussi guider ma création artistique que je n’ai pas encore découvertes ou que je ne suis pas encore en mesure de découvrir .
Ma poésie et ma peinture sont une lumière dont je me sers dans l‘obscurité pour rechercher quelque chose que j’aurais perdu ; peut-être un souvenir, une odeur ou peut-être même rien du tout.


3) Tu es aussi musicien, dans quel genre de musique t'exprimes-tu ?
Je me suis retrouvé par hasard, la guitare à la main devant le public.
Au début, j’écrivais des poèmes, composait la musique et je jouais à la guitare à ma façon. Je profitais des nuits d’été au village pour enregistrer mes chansons avec un magnétoscope à piles prés de la rivière, ou en hiver dans une grotte avec quelques copains. J’ai procédé ainsi pendant plus de 18 ans. Je conserve aujourd’hui encore une douzaines de cassettes contenant plus de 130 chansons. (Jacques Brel, Ait Menguellette et Idlir étaient mes idôles à cette époque)
Lorsque la question amazighe a commencé à se poser, mes enregistrements ont été repandus dans les universités du Maroc. Ce n’est que plusieurs années plus tard que l’on à découvert que j’en étais l’auteur, et c’est à ce moment- là que j’ai commencé à me produire lors de soirées; loin de ma rivière et de ma grotte.
Mon style a paru curieux aux habitants de la région car ils avaient l’habitude du luth traditionnel et du violon sur des rythmes propres au Moyen-Atlas, et à la région de Souss.
Le Sud-est n’a pas de tradition musicale, hormis ahidous, ahwach et les chants des femmes durant les travaux des champs et à l'occasion de mariages ou de fêtes, mais mes paroles les amènent à écouter la musique que je fais.
Selon moi, le temps était venu de créer un style représentatif de la région, que la musique reflète, la tradition des chants de femmes et d’ahidous. Mais il fallait que ce soit aussi un style musical universel. Je savais que les gens auraient du mal à accepter facilement ce nouveau style, mais je savais aussi que tout changement est dans l‘histoire de l‘humanité souvent refusé au début. Je pense à la future génération. J’ai monté un studio pour aider les jeunes afin de développer cette musique locale très peu connue, plus de 10 jeunes ont déjà enregistré. Mon influence est là, espérant qu’elle est de qualité.
Je peux dire que ma musique est universelle, je m’abreuve de toutes les cultures, mais le chant est toujours chargé d’une touche, d’une odeur du sud-est marocain. Pour ne pas nous perdre dans la richesse et la diversité des styles de musique, nous avons choisi le nom de « AMUN Style »(le style d’unification), pour parer de cette musique que beaucoup de jeunes pratiquent dans les régions du sud-est.
Cependant malgré 18 ans d’expérience dans la chanson, je me sens plus poète que chanteur.

4) Vous êtes une famille d'artistes, peut-on en savoir davantage ?
Oui, une famille d’artistes dans un petit village niché dans une gorge, où est né un art naturel, loin de toute notion académique, au début du moins. C’est grâce à mon père qui nous a encouragés à dessiner au moment où d’autres parents refusaient de voir leurs enfants le faire. Il nous apportait des bandes dessinées (surtout sur le western américain) dont le dessin me fascine beaucoup. J’imite d’abord puis je dessine de mémoire. Ma mère aussi était un bon modèle que j’ai dessiné surtout derrière le feu quand elle nous faisait de la soupe ou du pain avant d’aller à l’école. Pendant les études primaires au village, j’ai dessiné tout ce qui m’attirait, les fleurs qui poussaient dans l‘herbe, les visages des belles filles, maman, les photos accrochées dans la classe, les personnages des bandes dessinées et surtout les vieux du village.
Après le cycle primaire à Tamlalte, au collège, nous sommes six, et aucune fille. Le chemin pour aller au collège est très difficile. Il faut passer par les montagnes, où les accès sont dangereux pour arriver à Boumalne où se trouve le collège. Nous avions deux heures de marche. Parfois, venaient s’ajouter à cela, la neige, l’obscurité de l’aube, et la peur des chacals et des loups. Les jeunes ont tous quitté l’école, sauf moi et un copain, à cause de ce long chemin. Ce qui m’a retenu à l’école, c’était la feuille et le crayon, car alors je n’aurais plus eu le loisir de dessiner. A part cela, je ne voyais aucun autre intérêt à l’école. Je crois que les conditions que j’ai vécu pour aller à l’école dépassent toute imagination, mais ma personnalité s’en est nourrie et le fruit de ma personnalité est le dessin et la poésie.
Après, ce sont mes frères qui sont devenus mes élèves, tant au quotidien que dans leurs études. En effet, leur génération n’a pas connu le long chemin vers l’école à pied. La route vient de passer dans notre village, les moyens de transport faciliteront les choses. Ce qui est particulier dans notre famille, c’est que chacun à son style propre, différent de celui des autres :

Fatima : elle travaille de façon poétique sur des toiles des formes de montages rouges, en mouvement sur la toile, avec des enfants bougeant dans toutes les directions. Parfois, c’est le quotidien des femmes, leurs travaux dans les champs qu’elle peint. J’essaie toujours de me mettre en retrait pour ne pas l’influencer mais je lui fournis tout le matériel nécessaire pour travailler. Son travail est parfois surréaliste et parfois brut. Ces expositions en Europe, en Amérique et au Maroc lui ont donné le courage de continuer ses recherches pour trouver des matières, des couleurs, ainsi que des formes nouvelles.

Saïd : il vit en Autriche. Il est passionné par la musique moderne et l’aquarelle.

Lahcen : depuis son arrivé en Hollande et son contact avec l‘art moderne, il a une tendance qui va vers un art philosophique malgré ses toiles encore limitées. Il est, d’autre part, un bon guitariste.

Driss : sa formation artistique à Marrakech ainsi que son diplôme de cuisine marocaine a créé en lui un style fait de mélange d’épices et de brou de noix du village, un de signes berbères et juifs. Il a choisi de travailler sur le bois. Il est aussi guitariste et technicien du studio.

Abdellatif (mon neveu) : très bon guitariste est fasciné par les bijoux touareg, ces cercles décorés abstraits révèlent une beauté d’aquarelle très attirante. Il est designer dans la pub.

Saida ma sœur et Aicha ma nièce chantent. Leur premier album est sorti l’année dernière sous le nom du groupe TIFA; l’album est intitulé FAD (la soif). C’est la première fois dans le sud-est marocain que deux filles produisent un album. Elles ont bouleversé les mœurs de la région. Elles ont chanté mes paroles et mes compositions ainsi que celles de Driss qui est aussi le guitariste du groupe.

Moi j’écris des poèmes, je peins (peintures dessins aquarelles, photos et caricatures). Je compose des musiques, je chante, j’écris des scénarios, j’enseigne l’art dans un collège. Pour moi, tout ça n’est qu’un délicieux jeu.


Poèmes

(Isfra)
Le mont me parla.
Mon cœur s’épanouit.
Les poèmes s’écoulèrent.
Je choisissais les fleurs.
Mes propos sont galants ;
M’élevant dans les cieux.
Les oiseaux me parlèrent ;
Avec des chants sereins.
Les eaux m’emportèrent ;
Tel quelque feuille d’automne.
Je te tendis oh !main ;
Et choisis des paroles ;
Puis le chemin héla ;
Revendiquant le pas.
Je saisis mes chaussures ;
Et m’adonnai aux vers.



Isaweli udrar
irzmi wul i new
Ffind isfra
Ar settigh iydjigen
Yitfiti wawal
Yaweyi s igenwan
Sawelni igdad
S wurar izddigen
Awini waman
Zund ka u fraw
Azneghk a yafus
Setighd iwaliwen
Sd ighwra ubrid
Itterk a yadar
Asigh idukan
Amergh i yzlan


Mallal 07

Aucun commentaire:

Les visiteurs du blog

Publication C.F.B

Publication C.F.B
Pour en savoir plus: "classement thématique" du site