Le Centre Francophonie de Bourgogne a lu et aimé :
« Il fait nuit chez les Berbères » (L’Aube) de Mohamed Nédali (Maroc)
« Le temps du livre
est élastique, nous dit Ananda DEVI, dans « La nuit s’ajoute à la
nuit », on est dans un ailleurs et pourtant autre… qui nous enveloppe »,
c’est bien cette impression que nous donne, la lecture de ce 10ème
roman de Mohamed NEDALI.
Nous voilà plongés, à Tizi
Oundame, un village enclavé, du Haut Atlas marocain ; des maisonnettes en
pisé, quelques lopins de terre, des chèvres, des paysans démunis. Et pourtant
la vie va son chemin.
Omar, un jeune du village, se
retrouve bien seul, au décès de sa mère aimante et au remariage rapide de son
père.
Avenir bouché, froideur de la
nouvelle femme du foyer, mieux aller gagner sa vie ailleurs. Marrakech,
Casablanca, Rabat ; Terminus : bidonville de Salé. Case partagée, travaux
pénibles, salaire de misère. L’avenir s’annonce sombre. Mais la lumière, Allah est grand, survient
d’un certain Abou Merouane, cadre de la Mouvance, roulant en Mercédès et
habitant les quartiers huppés de Salé.
Charité de la mosquée, emploi
dans un magasin de bondieuseries de la Mouvance et Omar, reconnaissant, accepte
de s’instruire aux Saintes Vérités. Abou Mérouane est efficace et voilà Omar
iman. Envoyé illico, en mission dans son village.
Flattés, les habitants de Tizi
Oundame, organisent une fête avec chants, poésie, danses et festin. Tizi
Oundame, ne veut-il pas dire en berbère « Le col du poète » !
Joie en perspective. Mais, poésie, chants, danses étant Haram, Omar décline ces
manifestations impies, contraires à la charia et invite les habitants à la mosquée.
Etonnement des gens mais, enfant du pays, iman en plus, la prise en main s’opère
inexorablement. Prières obligatoires suives de prêches en longueur, abaya pour
les hommes, voile pour les femmes.
La majorité se soumet, refus de quelques
familles, plus évolués, hostiles à cet endoctrinement. Surtout la belle, Zineb
Ayour, la seule à être allée aux portes du lycée. Si belle que les hommes du
village fantasment sur elle. Elle a d’ailleurs refusé la demande en mariage du
nouvel iman. Elle veut vivre libre, s’habiller comme elle l’entend, danser,
chanter si ça lui dit. Et se marier avec qui elle veut.
Le village se fracture, les gens
s’évitent. De guerre lasse, les familles qui refusent, partent s’installer en
contre bas et construisent un nouveau village. L’iman Omar fustige ces récalcitrants
et, vociférant, leur promet le châtiment suprême et éternel, en l’au-delà.
Un châtiment, réel celui-là,
viendra du terrible tremblement de terre qui rasera Tizi Oundame et engloutira
une grande partie des villageois.
L’iman Omar sera l’un des rares
survivants…
Pour connaitre la solidarité des
habitants du nouveau village, tous épargnés, et le sort réservé à l’iman de la
Mouvance, il faudra lire ce roman, agrémenté d’humour.
Style incisif, descriptions
mordantes voire assassines, rejet familial, misère, désespoir, vies bouchées,
obscurantisme religieux, roman réaliste qui nous plonge dans une actualité dont
on connait les dérives.
Regard lucide du « Zola »
marocain.